Sombres perspectives pour l'Asie (Les
Echos, 12/11/01)
L'atterrissage est brutal pour nombre
d'économies asiatiques. Hier encore en pleine phase de décollage,
ces pays vont voir leur croissance se contracter en 2001, selon la Banque
asiatique de développement (BAD). Survenant à un moment où
la région souffrait déjà du ralentissement économique
mondial, les attentats et les frappes américaines sur le sol afghan
qui ont suivi ont accentué ces difficultés. Cette morosité
devrait s'amplifier si les combats ne prennent pas fin rapidement, prévient
la BAD. Du coup, l'institution basée à Manille a revu en
forte baisse ses estimations de croissance dans l'ensemble de la
zone pour l'année 2001. Elle table désormais sur une croissance
de 3,4% cette année, contre 7% en 2000. En avril, la BAD projetait
encore une hausse de 5,4% du produit intérieur brut. "Nous avons
conscience que ces prévisions sont faites dans un environnement
de grande incertitude", a souligné le vice président de la
BAD, Myoung-Ho Shin, admettant implicitement que la banque pourrait encore
revoir ses prévisions à la baisse.
Ce sont les économies "nouvellement
industrialisées" qui sont les plus affectées par ce "trou
d'air". Hong Kong, Taiwan et Singapour devraient connaître une croissance
négative cette année. Chine et Inde, beaucoup plus protégées
du fait de leur "semi isolement" sur la scène internationale, devraient,
eux, être relativement épargnées. Quant au Japon, la
récession sera au rendez-vous en 2001, avec un PIB en baisse de
0,5%. Ces prévisions sont plus optimistes que celles du gouvernement
nippon lui-même, qui vient de reconnaître que l'année
fiscale 2001/2002 qui se termine fin mars devrait se solder par une contraction
de 0,9% du PIB.
L'Asie orientale est malade de son leadership politique (AFP,
11/3/2001)
TOKYO, 11 mars (AFP) - En dépit de son vaste potentiel matériel,
financier et humain, l'Asie orientale ne parvient pas vraiment à
surmonter la crise de 1997-98 en raison d'une défaillance du leadership
politique, ont estimé cette semaine à Tokyo les responsables
du secteur privé rassemblés par le Pacific Basin Economic
Council.
Après le rebond conjoncturel de 1999-2000, la région
est aujourd'hui menacée de rechute par la récession simultanée
des deux géants des rives du Pacifique, Etats-Unis et Japon et handicapée
par la faiblesse de ses institutions politiques et sociales.
"La crise (de 1997-98) en fait n'a jamais cessé", suggère
Clyde Prestowitz, président du Economic Strategy Institute, de Washington.
"Elle a été masquée par l'injection massive de liquidité
réalisée en 1998 par Alan Greenspan (président de
la Réserve Fédérale américaine) qui a créé
une bulle aux Etats-Unis et soulevé les économies asiatiques",
explique-t-il.
Pour Kenneth Courtis, vice-président de Goldman Sachs
Asie, les économies de la région, à l'exception de
Singapour et Hong Kong, sont entrées dans le nouveau millénaire
en portant "un énorme fardeau d'endettement dans le secteur financier",
qui est l'obstacle principal au retour à une croissance soutenue.
Le Japon, dont l'endettement global public et privé est
estimé par Ken Courtis à "plus de cinq fois le PIB", fournit
naturellement le pire exemple de l'incapacité du pouvoir politique
à briser le cercle vicieux de la dette et de la stagnation économique.
Mais, dit-il, "le Japon n'est pas seul dans cette situation".
"Si les problèmes de cette région avaient été
simplement économiques et financiers, ils auraient été
résolus depuis longtemps", affirme M. Courtis. "Il s'agit d'une
question de leadership" pour mettre en oeuvre la socialisation de la dette,
la réforme fiscale et les privatisations, autant de "problèmes
politiques majeurs". "La vraie question est politique", insiste le vice-président
de Goldman Sachs Asie.
"Pourquoi notre environnement politique est-il un tel désastre?",
interroge Cho Suck-Rai, président du groupe sud-coréen Hyosung
Corporation, qui énumère la destitution du président
Joseph Estrada aux Philippines, la crise de la présidence Wahid
en Indonésie et les affaires de corruption dans son propre pays.
Pour lui, "les racines se trouvent aux premières étapes
de notre développement", lorsque le rôle dirigeant joué
par le pouvoir politique dans les affaires a institutionnalisé la
corruption et le "capitalisme de copinage".
Les économies asiatiques sont désormais confrontées
au défi d'une réorientation radicale du rôle du gouvernement
"qui va devoir changer pour fournir un environnement dans lequel les forces
du marché peuvent opérer librement".
"L'Asie, depuis l'Indonésie jusqu'au Japon, manque des
institutions sociales et politiques adéquates" affirme Ronnie Chang,
président de Hang Lung Development Company (Hong Kong). Prenant
en exemple le Japon, il remarque que "l'obstacle le plus important au changement
est la structure politique", affirmant que "tant que le pays ne se réveillera
pas, rien ne changera".
Pour l'homme d'affaires de Hong Kong, "le pays d'Asie qui a les
meilleures chances de sauter les étapes dans le domaine réglementaire
est sans doute la Chine parce qu'elle part quasiment de rien".
Il souligne que "la Chine emprunte maintenant des personnels
et des institutions au monde extérieur" et estime que l'Asie du
Sud-Est, confrontée de manière croissante à la rude
concurrence chinoise, devrait même aller plus loin. |