Archives d'octobre 98 sur la crise asiatique
janvier 98 | février 98 | mars 98 | avril 98 | mai 98 | juin 1998 | juillet 98 | août 98 | septembre98 | octobre98 | vue de l'Asie
 
Qu'est-ce qui explique la crise économique et monétaire asiatique et son incidence mondiale?
http://www.stern.nyu.edu/~nroubini/asia/asiahomepage.html : Ce site contient de nombreux articles sur la façon dont la crise asiatique influe sur les conditions sociales et économiques de ce continent et de sa population. 

La crise financière en 1998
PARIS, 21 déc (AFP) - La crise monétaire et financière ou crise des pays émergents, qui est née en Asie en 1997, s'est poursuivie dans cette région en 1998 avant de toucher la Russie et l'Amérique latine et de menacer la croissance des pays riches.Voici les principales dates de cette crise depuis janvier:

-1998-
- 8 : Effondrement de la roupie indonésienne.
- 12 : La faillite de Peregrine, la plus importante banque d'investissements de Hong Kong, entraîne des baisses spectaculaires sur les places
financières.
- 11 : Le président Suharto se prononce en faveur d'une parité fixe dollar/roupie (indonésienne). Les Etats-Unis et le FMI y sont opposés.
- 6 : Le FMI suspend le versement de l'aide à l'Indonésie en raison de l'absence de réformes.
- 24 : Tokyo adopte un plan de relance de 128 milliards de dollars.
- 4 : Le FMI reprend son aide à l'Indonésie après une interruption de deux mois.
- 21 : Sur fond de crise économique sans précédent, le président indonésien Suharto est acculé à la démission, à la suite d'émeutes qui ont fait quelque 1. 200 morts.
Le chômage touche 16,8% de la population en Indonésie, 6,7% en Corée du Sud, 8,8% en Thailande, 4,1% au Japon.
- 12 : Le Japon entre en récession après deux trimestres de croissance négative.
- 13 : Touchée par le marasme asiatique, la Russie, déjà aux prises avec des faiblesses structurelles internes, obtient une aide internationale de 22,6 milliards de dollars liée à la réduction de moitié du déficit budgétaire.
- 11 : Forte baisse des bourses latino-américaines dans le sillage des principales places boursières.
- 17 : Le gouvernement russe lâche le rouble et suspend les remboursements de sa dette extérieure.
- 21 : La crise russe emporte l'ensemble des marchés boursiers, notamment en Amérique latine.
- 27 : "Jeudi Noir", les marchés financiers accusent des baisses spectaculaires. En chute libre, le rouble a perdu près de 60% de sa valeur depuis sa dévaluation onze jours plus tôt.
La Malaisie et la Corée du Sud annoncent un 2e trimestre consécutif de contraction de leurs économies rejoignant les pays ou région déjà officiellement en récession: Japon, Hong Kong, Indonésie, et Thaïlande.
- 31 : Les bourses occidentales rechutent. Wall Street perd en une seule séance 6,36%, soit 512,61 points, la 2e plus forte perte en points de son histoire. Le dollar est entraîné à la baisse.
- 1 : la Malaisie décide une série de mesures de contrôle des changes afin de stabiliser sa monnaie.
- 2 : Dépréciation du peso colombien (23% maximum) par rapport au dollar sur les 12 mois à venir. Le 14, le sucre équatorien est dévalué de 15%.
- 3 : Nouvelle faiblesse des marchés latino-américains et européens. Sao Paolo perd 8,61% et Buenos Aires 5,90%. Wall Street reste déprimé.
- 14 : Les ministres des finances du G7 soulignent la nécessité de "préserver la croissance".
Bill Clinton qualifie la tourmente de "crise financière la plus grave depuis un demi-siècle".
- 17 : Mouvement de baisse sur les places financières parti de Tokyo, amplifié en Europe par le plongeon des grandes valeurs des télécommunications et relayé par Wall Street.
- 25 : Quasi-faillite d'un fonds de couverture Long-Term Capital Management (LTCM) sauvée par une intervention de la Banque fédérale américaine.
- 27 : Le Japon enregistre sa plus grosse faillite depuis 1945, celle de Japan leasing, filiale du groupe bancaire en difficulté Long-Term Credit Bank.
- 3 : Le G7-Finances se mobilise pour éviter une récession mondiale.
Le Japon propose une aide de 30 milliards de dollars aux pays d'Asie en crise.
- 6/8 : Aux réunions annuelles de la Banque Mondiale et du FMI, la communauté internationale presse les pays émergents de poursuivre leurs réformes structurelles et l'assainissement de leur secteur bancaire. Au nombre des pays riches, le Japon, entré en récession, est sommé de relancer son économie.
- 12 : Le Japon adopte un plan record qui dépasse 190 milliards de dollars pour relancer son économie après avoir décidé le mois précédent un plan de sauvetage énorme pour les banques.
- 2 : Le FMI accorde un crédit stand-by de 18,1 milliards de dollars au Brésil. Ce crédit entre dans le cadre d'une aide internationale de 41 milliards de dollars rassemblée le 13 novembre pour aider ce pays à soutenir son programme d'austérité budgétaire.
La Banque mondiale prévoit une croissance mondiale de 1,8% cette année contre 3,2% en 1997.

Qu'est il arrivé au miracle asiatique ? (What ever happened to the Asian Miracle ?)
P. Krugman (traduction libre, Bernard Mély /Asie 21,  30 / 06 /98)

HERALD TRIBUNE + L'euro serait en mesure de détrôner le dollar en Asie (la Tribune, 19/11/98)
 « Bien que leurs économies demeurent en état de choc, les pays asiatiques restent détenteurs de centaines de  milliards de dollars en cash et pourraient ainsi jouer un rôle clé pour la détermination du succès l'an prochain d'un  événement économique majeur : la création d'une seule monnaie européenne, l'euro, le 1er janvier. La monnaie  européenne promet aussi de jouer un rôle encore plus grand dans les finances asiatiques. Pendant que l'Indonésie,  la Corée du Sud et la Thaïlande recouraient au Fonds monétaire international pour se tirer d'affaire, l'Asie demeurait  le principal prêteur mondial, avec bien plus de 500 milliards en réserves de changes extérieurs, la plus grande partie  de cette somme étant libellée en dollars américains. Le Japon, la Chine, Hong Kong, Taiwan et les autres  économies du Sud-Est asiatique ont financé le déficit continu et grandissant du compte courant américain. Cela  signifie que l'Asie achète des obligations américaines, mais cela peut changer. L'Asie détient ainsi 40,5 %  des  réserves mondiales de changes extérieurs, et c'est ce possible mouvement de ces réserves du dollar vers l'euro l'an  prochain qui pourrait avoir un effet particulier sur la valeur de la monnaie européenne, selon les analystes. Lorenzo  Cododogno, économiste à la Bank of America à Londres, a ainsi indiqué que " la décision des banques centrales  asiatiques est cruciale, c'est la clé ". » 

Florilège de l'" asiatolatrie " (la Tribune, 19/11/98)
  Chris Patten, dernier gouverneur de Hong Kong (janvier 1997). « Ce qui a commencé en Asie est irréversible, économiquement et  politiquement. Et c'est là une très bonne nouvelle pour nous tous. »
  Jacques Chirac, voyage en Malaisie (17 novembre 1997).« J'ai indiqué au Premier ministre (malaisien) que, quelles que soient les  conséquences économiques et sociales dommageables des fluctuations monétaires, je considérais pour ma part que ces fluctuations  n'étaient pas de nature à remettre en cause la capacité de croissance de l'Asie du Sud-Est. »
  Banque mondiale, rapport annuel (septembre 1997).« Malgré quelques préoccupations à propos de la fragilité des systèmes bancaires de la  région, les risques d'une perte de confiance devraient être faciles à maîtriser car la plupart des pays d'Asie de l'Est jouissent d'une situation  budgétaire et extérieure plus solide que celle des pays qui ont traversé des crises bancaires. Les perspectives concernant la poursuite  d'une forte croissance dans les années à venir restent bonnes. »
  Jeffrey Sachs, professeur à Harvard (novembre 1996).« Les économies d'Asie de l'Est continuent de croître à un rythme supérieur à celui  des pays occidentaux, et la croissance devrait se poursuivre - plus lentement - à moyen terme »
  John Sevilla, responsable de l'Asie à Standard and Poor's (juillet 1996).« Lorsque je regarde les fondements de la croissance en Asie, je  vois toujours de très forts taux d'investissement, de solides taux d'épargne et un environ- nement général favorable à l'économie. Il est vrai  que certains pays paraissent mieux armés que d'autres : la Chine, Singapour, la Thaïlande, l'Indonésie, la Malaisie et la Corée croissent plus  rapidement que les autres pays de la région. »
  Michel Fouquin, directeur adjoint du Cepii (juin 1996).« Il faut être conscient que l'Asie s'autofinance et n'a pas besoin de notre épargne. »
  Russell J. Cheetham, vice-président de la Banque mondiale pour l'Asie de l'Est (février 1996).« La Banque mondiale s'attend à une  croissance continue et rapide de l'Asie de l'Est - de 8 % à 9 % l'an en moyenne - jusqu'à la fin de cette décennie et pour une bonne partie de  la première décennie du prochain siècle. »

Des banques étrangères peu clairvoyantes (la Tribune, 19/11/98)
  Attirées par des taux de croissance de trois à quatre fois plus élevés qu'en Europe, des taux d'épargne records, des besoins de  financements augmentant plus vite que le produit national brut et des perspectives de marges substantielles, les grandes banques  occidentales ont augmenté fortement leurs activités en Asie depuis le début de la décennie. Les Standard Chartered et autres Hongkong  and Shanghai Bank n'ont pas été longues à attirer dans la zone les autres grandes maisons occidentales, allemandes, néerlandaises ou  françaises, soucieuses, pour certaines, de rattraper leur retard tant dans les métiers de la banque commerciale classique que sur les  marchés de capitaux. Au bout du compte, les banques occidentales ont largement augmenté leurs encours de crédits sur l'Asie ou, tout au  moins, n'ont pas jugé utile de lever le pied lorsque les premières menaces de crise sont apparues. C'est en tout cas le discours de la Banque  des règlements internationaux (BRI), qui estime que les établissements européens ont négligé les signaux d'éclatement de la bulle  spéculative perceptibles dès 1997. Pour ce faire, la BRI cite quelques chiffres : à fin de 1997, le système bancaire international était engagé  à hauteur de 381 milliards de dollars en Asie du Sud-Est.

  Chiffrage difficile. Là-dessus, la part des banques européennes représentait près de 180 milliards de dollars, soit plus de 47 % du total  contre 44 % un an plus tôt. Pour autant, la perception des risques s'avère être un exercice compliqué tant les engagements des banques  sont divers : risques au bilan et hors bilan, crédits de toutes maturités (sachant que, dans les derniers mois, l'essentiel des crédits  distribués consistait en des prêts à court terme), titres en portefeuille et opérations sur les Etats, sur les banques et les entreprises, enfin  crédits disposant d'une garantie d'Etat. Difficile dans ces conditions de chiffrer exactement la facture. Certains s'y sont essayés. Ainsi  Standard & Poor's estimait en début d'année que les pertes en Asie devraient finalement représenter entre 7 % et 9 % du montant des  fonds propres durs des vingt principaux établissements européens les plus exposés dans la zone, et amputer de 30 % à 40 % leurs résultats  d'exploitation avant provisions.

Un " plantage " magistral
  Certes, la prévision économique est chose aléatoire. Mais, avec la crise asiatique, le Fonds monétaire international a pulvérisé les records  d'erreurs en la matière. Quelques chiffres donnent la mesure de ce « plantage » du siècle : en l'espace d'un an (automne 1997 - automne  1998), le FMI a révisé à la baisse ses projections de croissance pour 1998 de 11 points de PIB pour la Thaïlande (de + 4 % à - 7 %), de 13  points pour la Corée (de + 6 % à - 7 %) et enfin, pour l'Indonésie, de 20 points (de + 5 % à - 15 %) !
  Une austérité imposée. L'affaire ne serait que cocasse si, à l'appui de ses hypothèses macro-économiques, le Fonds monétaire n'avait  imposé à ces pays en pleine tourmente financière des politiques bien réelles qui n'ont pas peu contribué à casser l'activité économique. A  la fin de 1997 en effet, les médecins de Washington exigèrent de Bangkok, puis de Djakarta et enfin de Séoul, qu'ils dégageassent des  excédents budgétaires d'environ 1 % du PIB. « Ce fut là leur plus grande erreur, explique Hervé Goulletquer (économiste en chef du Crédit  Lyonnais) : réagir devant cette crise des paiements comme si elle était le résultat de politiques gouvernementales trop laxistes - à l'instar de  l'Amérique latine - alors que l'excès de demande intérieure ne reflétait qu'un surinvestissement dû à la fuite en avant des emprunteurs  privés locaux. » Une austérité budgétaire qui ne s'imposait donc nullement. Et qui était même contradictoire avec le volet structurel des  plans d'ajustements.
  Comme le souligne Fadhel Lakhoua (spécialiste de l'Asie au service des études de la Caisse des dépôts et consignations), « le FMI a bien  vu qu'il y avait une crise grave des systèmes bancaires et a demandé aux pays de fermer ou de recapitaliser les nombreuses banques  plombées par des prêts aventureux. L'ennui, c'est qu'il fallait laisser aux gouvernements les moyens d'octroyer des liquidités et non leur  couper les revenus en exigeant un tour de vis fiscal. » Les critiques ont également plu sur le FMI à propos de l'austérité monétaire radicale  qu'il exigea des banques centrales pour enrayer la fuite des capitaux et la vertigineuse dépréciation de leurs monnaies. « Cela n'a fait  qu'aggraver la situation des agents privés, déjà criblés de dette », reconnaît Fadhel Lakhoua, qui ne jette cependant pas la pierre au FMI  sur ce chapitre monétaire : « Avec quelques mois de recul et le fait que les monnaies asiatiques se sont non seulement stabilisées mais on  refait une partie du terrain perdu, on doit admettre que ne pas utiliser l'arme des taux d'intérêt eût sans doute produit un résultat bien pire. »
  Sous-estimation. Reste que le FMI a quand même sous-estimé deux données de cette crise asiatique. D'une part, il a parié sur une  dépréciation du change, qui jouerait à plein et fouetterait les exportations, ce qui, affirme Hervé Goulletquer, « révèle une sous-estimation  de l'état désastreux du secteur bancaire, incapable d'accorder la moindre ligne de crédit à court terme ». D'autre part, le Fonds n'a pas  mesuré l'ampleur des ferments récessifs à l'oeuvre dans ces économies et n'a pas vu, poursuit l'économiste du Lyonnais, « que les charges  financières des entreprises allaient les contraindre à un déstockage massif et à des licenciements ». Bref, les récessions se sont accélérées  dans chaque pays et se sont cumulées par contagion régionale. Cerise sur le gâteau, l'aggravation de la dépression japonaise ainsi que la  forte baisse du yen (au printemps 1998) sont venues condamner le principal marché d'exportation de pays déjà exsangues.
  Faut-il pour autant condamner en bloc l'action du FMI ? Il n'a pas prévu la durée de la panique, mais qui d'autre l'a prévue ? Il n'a pas pris  la mesure de l'ampleur de la déliquescence des systèmes financiers, mais était-il outillé pour plonger au coeur de systèmes totalement  opaques ? En répondant« non » et en prônant une réforme des institutions de Bretton Woods ainsi qu'une coopération accrue avec les  organes de supervision bancaire et boursière, les responsables politiques internationaux l'ont, en quelque sorte, absout de cette fatale  myopie.
  Pragmatisme. Et puis, last but not least, le Fonds monétaire qu'on dit si rigide a finalement fait preuve de pragmatisme : il s'est ravisé au  printemps 1998 et a permis aux grands malades de l'Asie, tout en continuant à les financer, d'enregistrer des déficits publics abyssaux (près  de 10 % du PIB dans le cas indonésien) pour sauver leurs banques et secourir leurs populations plongées dans la misère. (La Tribune, 19/11/98)

La grande " braderie " + boudée par les firmes occidentales  (la Tribune, 19/11/98)
  Depuis la fin septembre, le groupe Lafarge s'est offert une nouvelle joint-venture en Chine, deux usines de plaques à plâtre en Corée,  deux cimenteries aux Philippines... un investissement total de plus de 4 milliards de francs. La crise asiatique ? Pour le groupe dirigé par  Bertrand Collomb, elle constitue une formidable opportunité pour conquérir de nouveaux marchés. Il n'est pas le seul. En Thaïlande, Tesco,  le numéro un britannique des supermarchés a racheté la chaîne locale d'hypermarchés Lotus. Procter & Gamble, Volvo, BASF ou Coca  Cola ont renforcé leurs positions en Corée. A Hong Kong, la BNP a acquis le courtier Peregrine...
  Extrême prudence. Pourtant, la grande braderie asiatique s'est révélée plus modeste que prévue. Certes, reconnaît un industriel français : «  de Séoul à Bangkok, tout le monde est venu se rendre compte des opportunités ». Mais les Occidentaux ne sont guère pressés, espérant  toujours de nouvelles baisses de prix. Les négociations s'éternisent, les locaux refusant de solder leurs actifs ou d'en céder le contrôle. Le  manque de transparence, des législations contraignantes ou des lois sur les faillites obsolètes freinent également les rachats.
  Les groupes occidentaux font donc preuve d'une extrême prudence. Pour le moment, ils ont surtout saisi l'occasion de la crise pour se  renforcer dans leurs joint-ventures existantes : c'est le cas d'Usinor en Thaïlande, qui a accru sa part dans Thainox de 28 % à 70 % ou de la  Société Générale qui s'est renforcée de 25 % à 51 % dans une société financière...
  Face à l'effondrement des ventes asiatiques, les investisseurs cherchent également à se restructurer. Certains comme Elioland Energy, une  filiale de Suez Lyonnaise des Eaux dans l'énergie installée àSingapour ont fermé boutique. Idem pour Bouygues en Indonésie. Les autres,  comme Schneider en Thaïlande, réduisent leurs effectifs expatriés. En Indonésie, la communauté française a fondu d'un tiers. En Malaisie,  les effectifs de l'école française ont baissé de 15 %. Cette cure d'amaigrissement devrait s'accélérer dans les prochains mois, car « les  décisions dans les maisons mères n'ont pas encore été vraiment prises, explique Thierry Poux, directeur régional Asie pour Adecco.
 Lorsque les budgets 1998 ont été préparés, on ne prévoyait pas une telle crise ».
  Quant aux plans d'expansion, ils sont gelés. General Motors a repoussé à après l'an 2000 l'ouverture d'une usine de 750 millions de dollars  en Thaïlande. Et les distributeurs Carrefour ou Continent, qui viennent d'ouvrir leur premier magasin à Djakarta, revoient leurs projets à la  baisse.

Jeux de massacre politiques (la Tribune, 19/11/98)
  Après trente-deux ans de pouvoir, le président indonésien Suharto a été contraint d'abandonner le pouvoir le 21 mai 1998,remplacé par  B.J. Habibie : des élections devraient avoir lieu au mois de mai 1999. En Corée du Sud, les élections du 18 décembre 1997 ont enregistré la  victoire du chef historique de l'opposition, Kim Dae Jung, tandis qu'en Thaïlande, Chavalit Yongchaijudh a laissé son poste de Premier  ministre à Chuan Leekpai le 9 novembre 1997. Aux Philippines, les élections présidentielles du 11 mai dernier ont conduit à la victoire de  l'ancien acteur Joseph Estrada, qui a succédé à Fidel Ramos. En revanche, pas de changement en Malaisie, où le docteur Mahathir a évincé  son vice-Premier ministre Anwar Ibrahim (arrêté en septembre et jugé depuis le 2 novembre) et accru son emprise sur le pays qu'il dirige  depuis dix-sept ans.

Et si Clinton expliquait le modèle américain aux Japonais ? (Pascal Nguyen, Groupe ESC Nantes Atlantique, La Tribune, 19/11/98)
  Le Japon traverse la crise économique la plus grave de son histoire. Tous les indicateurs ont viré au rouge et les déficits publics  devraient pulvériser la barre des 10 %. Hallucinant. Jusqu'à l'année dernière, le pays du Soleil-Levant semblait frappé d'une étrange  léthargie. Comme à la recherche d'un second souffle, qui avait semblé revenir au premier trimestre 1996 avec un bond du PIB de 12,2 % en  rythme annuel. Peine perdue. La crise est bien plus profonde. Et les nombreux plans de relance concoctés depuis 1992 n'y pourront rien.
  Alors, quelle explication apporter ?
  Erreur d'appréciation. Si la situation est complexe, l'essentiel tient en quelques mots. La machine à produire, qu'on décrivait avec  admiration, fait face à une banale crise de surproduction. Ou plutôt elle produit trop là où il n'y a pas assez de débouchés. Et pas assez, ou  trop cher, là où il y aurait une demande potentielle. Est-ce la faute des consommateurs que le gouvernement s'apprête à encourager par de  nouvelles baisses d'impôts et même une distribution gratuite de bons d'achat ? Il est clair que la demande ne se commande pas. C'est une  contrainte avec laquelle les entreprises doivent vivre. Mais, là, il apparaît que d'énormes capacités de production ont été constituées sans  rapport avec les besoins réels. Comment une telle erreur d'appréciation a-t-elle pu se produire ? Sûrement, l'euphorie des années 80 porte  sa part de responsabilité. Confortée par ses succès à l'exportation, l'industrie japonaise s'était laissé gagner par l'ivresse. Le Japon n'était-il  pas devenu le premier créancier de la planète ? Mais, depuis, la bulle spéculative s'est dégonflée et les esprits se sont calmés. Pourtant,  rien n'a changé. Ce qui soulève une question simple et néanmoins essentielle. Comment se décide l'allocation des ressources dans  l'archipel ? Car on se rend bien compte que l'atout majeur du Japon, sa formidable capacité à épargner, s'est abîmé dans des projets sans  avenir. A qui la faute ? Au système, évidemment. Car, en matière d'investissement, les entreprises japonaises sont à la fois juge et partie.  Ce sont elles qui proposent les projets et s'attribuent les moyens de leur réalisation. Les banques ne sont là que pour porter les seaux de  liquidités. Surtout si elles appartiennent au même groupe. En somme, l'appareil productif obtient les ressources qu'il souhaite et en fait ce  que bon lui semble. Avec un tel système, il y a une forte coordination mais pas vraiment de contrôle. Or ces deux fonctions sont mieux  assurées par les marchés financiers. Surtout dans le contexte actuel d'intense concurrence et d'évolution rapide de la demande.
  Peut-on faire l'économie d'un tel contrôle ? Dans le domaine bancaire, la faillite de la Barings est venue rappeler qu'on ne peut laisser les  opérateurs financiers agir sans garde-fous. Pour quelle raison faut-il croire que les opérateurs industriels sont des gens plus raisonnables  ? Les entreprises japonaises semblent soustraites à toute discipline de marché. L'économie s'est ainsi épargnée bien des restructurations  douloureuses. La sauvegarde de l'emploi a manifestement constitué une priorité. Mais cette responsabilité sociale chère aux firmes  japonaises se paye par un manque de flexibilité. Et, en fin de compte, c'est le consommateur qui en paye le prix. Comme lorsqu'il s'agit pour  lui de subventionner le riz le plus cher du monde.
  Aux Etats-Unis, les priorités sont inversées. Tout est dédié au consommateur. Lorsqu'une usine est transférée, c'est tout juste si l'on ne va  pas expliquer aux ouvriers licenciés qu'ils ont bien de la chance. Car ils vont bientôt pouvoir, en tant que consommateurs, acheter moins  cher les produits qu'ils fabriquaient eux-mêmes. Qu'ils se retrouvent sans emploi dans l'immédiat n'est qu'un détail. Curieux constat. Mais  cette culture - sinon ce culte - du consommateur a de sérieuses implications. L'important n'est pas de produire mais de répondre à une  demande. Et les marchés financiers sont là pour veiller à ce qu'il en soit ainsi. Au moindre écart, c'est la dégringolade du cours des actions.  Premier avertissement. Au suivant, l'OPA se profile. L'entreprise va se faire racheter. Et, là, on peut s'attendre à ce que le nouveau  propriétaire ne verse pas dans les sentiments. Car il doit rentabiliser au plus vite son investissement vu les dettes dont il vient de  s'encombrer pour financer son acquisition. D'un autre côté, lorsque les choses se présentent bien, les entreprises reçoivent tous les fonds  nécessaires à leur développement. C'est même le décollage vertical du prix des actions lors de certaines introductions en Bourse.
 Redéploiement. Mais, attention, il ne faudrait pas croire qu'obtenir les capitaux constitue la panacée. Le Japon, d'ailleurs, en déborde. En  fait, l'argent n'est que le moyen qui permet de rassembler les ressources pour mener à bien les projets qui viennent d'être vendus aux  investisseurs. En cela, on pense aux moyens matériels. En particulier, aux murs ou au toit qui abriteront l'entreprise. Erreur ! A l'aube du  XXIe siècle, la ressource fondamentale, ce sont les hommes. Il s'agit donc pour les entreprises, et avant tout celles qui se créent et qui  amèneront avec elles une offre renouvelée, de pouvoir puiser dans un marché du travail ouvert et vivant. Or, au Japon, l'emploi à vie et la  progression des salaires à l'ancienneté sont aux antipodes de cette exigence. En gros, le système fixe les ressources les plus importantes  quand il faudrait, au contraire, les redéployer pour mieux coller à la demande. Ce n'est pas en creusant davantage ses déficits publics que le  Japon s'en sortira. Et ce constat souligne l'ampleur de la tâche qui attend le gouvernement japonais s'il veut voir l'économie repartir  durablement sur le sentier de la croissance. C'est aussi ce que Clinton devrait s'attacher à rappeler lors de sa visite qu'il entreprend dans ce
  pays.

L'économie asiatique sur le chemin de la reprise, selon le FMI (la Tribune, 9/11/98)
  Le Fonds monétaire international a approuvé vendredi une tranche de crédit supplémentaire de 960 millions de dollars (environ 5,3  milliards de francs) à l'Indonésie, soulignant que l'économie du pays commençait à se stabiliser. Cette dernière tranche entre dans le cadre  d'un vaste programme de sauvetage international de 46 milliards de dollars arrêté l'an dernier par le FMI en conjonction avec la Banque  mondiale et d'autres institutions financières. De plus, le directeur général du FMI, Michel Camdessus, a estimé, ce week-end, dans un  discours prononcé à Philadelphie, que « la Corée, la Thaïlande et même l'Indonésie ont continué de montrer des signes prometteurs  laissant penser que la reprise est pour bientôt ». Il souligne, par ailleurs, que le Brésil, « contrairement à d'autres pays, n'a pas attendu le  dernier moment pour reconnaître ses faiblesses et pour prendre des initiatives ». Dans le cadre de la réforme du système financier  international et de celle du FMI lui-même, Camdessus s'est fait de nouveau l'avocat de davantage d'« autorité » pour l'institution. Il réitère  sa proposition « de former une instance qui serait capable d'agir de façon autoritaire et d'avoir une voix représentative pour adapter le  système international et répondre à de nouvelles crises ».