Archives de 2000 sur la crise asiatique
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La réforme institutionnelle, clef de la croissance en Asie (AFP, 1/6/2000)
Les pays d'Asie orientale doivent absolument renforcer leurs institutions publiques et privées s'ils veulent que la forte reprise économique actuelle se transforme en croissance durable, estime un rapport rendu public jeudi à Tokyo par la Banque Mondiale.
 Ayant surmonté la crise de 1997-98, l'Asie orientale est "à nouveau la région qui croit le plus vite dans le monde", a souligné Richard Newfarmer, le principal auteur du rapport intitulé "Asie Orientale: au delà de la reprise". Dans les cinq "économies en crise" en effet, la croissance du PIB aura varié l'an dernier de 10,7 % en Corée du Sud à 3,2% aux Philippines, l'Indonésie, où la contraction avait été la plus forte en 1998 (- 13,7%) parvenant elle aussi à mettre la tête hors de l'eau (+ 0,2%).
 Mais selon M. Newfarmer, économiste attaché à la direction régionale Asie-Pacifique de la Banque, "prolonger la reprise sur la prochaine décennie demandera de nouvelles sources de productivité. Et une productivité plus forte dépend des politiques et des institutions, privées, gouvernementales et sociales".
 Les auteurs du rapport ont résumé leurs conclusions en trois défis majeurs pour les pays d'Asie orientale: "gérer la globalisation", en particulier le processus d'intégration dans la finance, le commerce et l'investissement; "revivifier les entreprises" financières et industrielles; et finalement "forger un nouveau contrat social et définir un rôle nouveau pour le gouvernement".
 Masahiro Kawai, l'économiste en chef de la Banque Mondiale pour la région, a souligné qu'il fallait maintenant "se concentrer sur la question fondamentale du renforcement des institutions de ces économies émergentes, qui sont constamment soumises à des chocs externes ou internes".
 Selon lui, ces pays avaient ignoré cette dimension institutionnelle pendant la période de croissance rapide précédant la crise mais ils ne peuvent plus "revenir aux pratiques anciennes comme si de rien n'était". Par contre, ajoute-t-il, "si le rythme actuel des changements institutionnels est maintenu, il n'y a pas de raisons qu'ils ne puissent pas retrouver les taux de croissance annuelle de 4 à 7% connus dans le passé".
 L'étude démontre clairement que la reprise en cours n'a pas annulé la facture de la crise. Le cadre légal gouvernant l'activité des banques et des entreprises a "connu des changements profonds" et la "structure du système financier a été remodelée" dans la plupart des pays.
 Mais, a souligné Richard Newfarmer, "les banques restent sous-capitalisées, les entreprises sont encore surendettées et la crise a conduit à une augmentation de l'actionnariat public dans nombre de grandes banques et entreprises". La dette publique a pratiquement triplé par rapport au niveau, il est vrai très bas, d'avant la tempête financière.
 Globalement, les auteurs de l'étude décerne un satisfecit aux politiques suivies par les gouvernements, relevant en particulier que "les pays ont répondu à la crise non pas en tournant le dos à la globalisation mais en la prenant à bras le corps pour essayer de la gérer à leur avantage".
 Toutefois, a indiqué M. Newfarmer, "nous appelons à une plus grande transparence, à des progrès institutionnels renforçant la fonction publique et améliorant l'allocation des dépenses budgétaires, et enfin à une plus grande responsabilisation des responsables".
 Il a particulièrement insisté sur la corruption, "domaine dans lequel la performance des pays d'Asie orientale n'est pas particulièrement bonne".
 Toutefois, insiste Masahiro Kawai, ces recommandations ne signifient pas que la Banque Mondiale se départit de sa neutralité politique: "La Banque Mondiale est politiquement neutre et c'est aux peuples concernés de déterminer leurs régimes politiques. Ce que nous disons, c'est que si ces pays veulent promouvoir une croissance économique robuste, alors le renforcement de l'administration du secteur public est très, très important".

Les mégafusions inquiètent les dirigeants d'Asie du Sud-Est (Reuters, 12/2/2000)
Les pays d'Asie du Sud-est craignent le contrecoup de la vague actuelle de mégafusions sur les pays en voie de développement. Des stratégies alternatives de développement économique doivent être trouvées pour faire face à ce phénomène, ont estimé samedi les dirigeants de l'Associations des nations de l'Asie du sud-est (Asean) lors d'une rencontre avec le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Cette réunion se déroulait en marge de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), qui a commencé samedi. Depuis le début de l'année 2000, deux fusions d'envergure mondiale ont été annoncées : AOL et Time Warner aux Etats-Unis (151,8 milliards de dollars), Vodafone et Mannesmann en Europe (176,5 milliards). Le Premier ministre malais, Mahathir Mohamad, s'est notamment inquiété des avantages décisifs qu'auront ces nouveaux groupes sur les entreprises nationales de moindre envergure. L'Asean regroupe la Malaisie, Singapour, la Thaïlande, le Vietnam, Brunei, le Laos, la Birmanie, le Cambodge, les Philippines et l'Indonésie. 

L'Asie a changé : une nouvelle phase de la mondialisation commence 
Le point de vue de DANIEL HABER (Les Echos, 27/1/2000)
Cinq événements majeurs ont, depuis une quinzaine d'années, façonné la vision que les chefs d'entreprise, ou tout simplement les citoyens, portent sur l'Asie : Il y a d'abord eu, en 1985, l'avènement du Japon au rang de superpuissance, la deuxième au monde avec, en perspective, « Japan as Number One » (comme le prédisait le livre d'Ezra Vogel) et « Le Japon qui achète le monde » (de P. A. Donnet).
A la suite du Japon, tous les pays d'Asie qui, pour la plupart, étaient restés dans l'état naturel du non-développement, ont été gagnés par le « miracle économique », sous l'influence du Japon et grâce au relais d'un groupe particulier, les émigrés chinois qui, au contact des colonisateurs (Européens, Américains, Japonais) présents dans toute la région, sont devenus ces êtres improbables : des entrepreneurs chinois.
Le couronnement de cet essor « miraculeux » a été, à partir de 1980, l'entrée de la Chine dans la modernité et dans le monde. L'événement-avènement de la Chine a bouleversé l'idée que l'Asie se faisait d'elle-même : de « copieur » du modèle occidental, l'Asie s'est imposée comme porteur de valeurs particulières, les « valeurs orientales », qui avaient gagné le droit de s'imposer au monde, et donc de s'opposer à l'Occident, par le simple fait de la réussite économique, preuve matérielle de l'efficacité de
ces contre-valeurs.
Ces « valeurs orientales », dont l'Occident avait fini par se persuader qu'elles étaient, peut-être, l'avenir du monde ou du moins une alternative crédible à la pensée occidentale, ont sombré dans une double crise : la première crise a été celle du Japon par l'éclatement de la bulle spéculative, en 1990. Le Japon n'a toujours pas fini de payer les excès commis, de 1985 à 1990, au nom de ces valeurs orientales triomphantes... et débridées.
La deuxième crise, et le cinquième et dernier « événement », a été le choc financier du reste de l'Asie, la crise asiatique de 1997, qui a mis fin à plusieurs mythes, notamment celui d'une Asie partageant un destin commun et celui de la supériorité des valeurs asiatiques.
A l'issue de ces cinq événements, la lecture que l'on peut faire de l'Asie est devenue plus complexe mais également plus réaliste. La fin des mythes marque le début d'une vision diversifiée et équilibrée d'une région qui reste difficile à décoder.
La crise a fait apparaître plusieurs « Asies » : une Asie triomphante, celle du monde chinois, c'est-à-dire à la fois celle de la Chine encore communiste (du moins dans nombre de ses structures apparentes) et celle de la Chine des diasporas, en tête desquelles Taiwan fait figure de leader économique incontesté ; une Asie en perdition, l'Asie du Sud-Est, marquée par l'échec des vanités et l'excès de la corruption ; une Asie en mutation intense, celle du Japon, entré, par la crise, dans sa troisième révolution sociétale (après celle de Meiji et celle imposée par Mac Arthur) et celle de la Corée du Sud, engagée dans un double mouvement de démocratisation, politique et économique. Le rebond en cours permet de répondre à une vraie question : les miracles économiques ont-ils été une mystification en même temps qu'une mythification ? Il est clair que tous les pays d'Asie sont désormais ancrés dans la modernité et qu'un cliquet empêche le retour à l'état de nature : le progrès est inscrit, pour toujours, dans l'esprit des Asiatiques et cette idée prométhéenne, à l'opposé de la passivité bouddho-confucéenne, est au coeur de la reprise et le gage des succès futurs. Les crises ont été salutaires car elles ont mis fin à l'arrogance et ouvert la voie à des relations Occident-Orient plus équilibrées.
Les acquisitions occidentales (du domaine de l'automobile notamment) répondent à l'entrée massive des Japonais (et des Coréens, Taïwanais, Singapouriens) sur les grands marchés de l'Occident. La réciprocité est possible et le jeu est désormais plus ouvert et plus réactif.Ce que les Japonais ont réussi, en Europe et aux Etats-Unis, où ils gèrent plus d'un millier de «
transplants », il appartient désormais aux Occidentaux d'en donner la réplique : faire travailler ensemble, de façon efficace, des cultures dissemblables.Que le XXIe siècle s'ouvre sur cette relation nouvelle, sur cette réciprocité des acquisitions, est sans
doute la démonstration qu'une phase nouvelle de la mondialisation est en cours. Cette mondialisation est marquée par la multiplication des alliances, parfois inattendues et toujours polycontinentales. Dès lors, les valeurs (traditions, comportements, croyances profondes...) ne peuvent plus être perçues seulement comme « autres » mais aussi, et surtout, comme des sources nouvelles d'efficacité, des compléments à notre propre pensée, des enrichissements de nos pratiques.
L'Asie nous apparaîtra ainsi comme un miroir de nos propres valeurs et comme le lieu privilégié d'une pensée « mondiale », combinant ce que l'esprit humain a conçu de meilleur. De ce point de vue, et dans le contexte d'une concurrence accrue entre grands groupes mondiaux, les vainqueurs seront ceux qui sauront le mieux et le plus vite réussir la combinaison optimale des valeurs.

La corruption à nouveau sur le devant de la scène en Asie (AFP, 24/1/2000)
Scandale en Chine, réaction de colère en Corée du sud, la corruption n'en finit pas de miner les économies et les systèmes politiques du continent asiatique. Le phénomème n'est certes pas nouveau en Asie où l'opacité et la collusion entre Etat et économie sont régulièrement dénoncés par les experts occidentaux, du Japon à la Corée du sud en passant par l'Indonésie ou la Malaisie. Mais le phénomène a incontestablement fleuri au cours des dernières années en raison du boom économique qui a bouleversé le continent asiatique. Tous les pays d'Asie ou presque sont concernés. Les militaires pakistanais, qui ont pris le pouvoir l'an dernier à Islamabad, doivent leur grande popularité à leur engagement, au moins sur le papier, à pourfendre la corruption. La République populaire de Chine est en passe de mettre au jour l'un des plus gros scandales d'argent détourné depuis sa création il y a cinquante ans, après les révélations ce week-end d'une énorme affaire de contrebande dans la province du Fujian (sud-est), en passe d'éclabousser des hauts dirigeants à Pékin. Quelque 400 enquêteurs ont été dépêchés sur place pour tenter de faire la lumière sur ce scandale, qui porte sur des milliards de dollars de produits importés en fraude (principalement de l'essence et des voitures) et qui s'est déjà traduit par une trentaine d'arrestations, dont celles de plusieurs responsables locaux des douanes et de la police. Plus à l'est, c'est la société civile sud-coréenne qui a manifesté lundi son impatience en publiant les noms de 67 hommes politiques qualifiés d'"incompétents et corrompus", au nombre desquels figure un ancien Premier ministre. Cette initiative, plutôt originale au pays du matin calme, a été prise par un groupe de 470 organisations et associations diverses. L'opinion publique sud-coréenne n'est pas la seule à gronder. La pression des sociétés civiles un peu partout en Asie a joué un rôle non négligeable dans la prise de conscience de ce phénomène, affirme la Banque asiatique de développement (BAD) sur son site internet. Selon cette banque basée à Manille, "la corruption peut accroître de 20 à 100% la valeur des biens ou services publics dans plusieurs pays asiatiques. Les pertes liées à la corruption peuvent y représenter plus de la totalité de la dette extérieure". Et enfin, "dans les pays où la corruption est endémique, les hauts-dirigeants des entreprises passent près du tiers de leur temps à négocier avec des responsables publics, contre seulement 5% dans les pays où la corruption n'est pas un problème", indique la BAD. Aux Philippines, la Banque mondiale a récemment estimé de son côté à près de la moitié des revenus de l'Etat les pertes chaque année occasionnées par la corruption. Celles-ci ont été évaluées à un milliard de dollars par la banque mondiale dans un rapport intermédiaire sur la corruption aux Philippines publié le 30 novembre dernier alors que les revenus de l'Etat ont atteint 398,37 milliards de pesos (2,5 mds de dollars) pour la période de janvier à octobre 1999. Les Nations unies ne sont pas loin de faire la même analyse. L'Asie du Sud - le sous-continent indien - est la région la plus corrompue au monde, un phénomène qui coûte des milliards de dollars et appauvrit des centaines de millions de personnes, selon un rapport de l'ONU publié début novembre. On comprend mieux pourquoi le groupe des sept pays les plus industrialisés du monde (G7) a tiré la sonnette d'alarme ce week-end à Tokyo. "Les bénéfices et les opportunités du système financier international peuvent aussi être minés par la corruption", a indiqué samedi un communiqué du G7.

L'Asie doit choisir son modèle financier, selon un responsable de la Banque Mondiale (AFP, 22/12/99)
En dépit des progrès accomplis, la réforme financière en Asie orientale avance trop lentement parce que les pays de la région n'ont pas encore fait clairement le choix d'un système financier ouvert sur le monde, a indiqué mercredi le vice-président de la Banque Mondiale pour l'Asie-Pacifique Jean-Michel Severino.
Dans un entretien à l'AFP, M. Severino a par ailleurs mis en cause l'attitude des banques internationales créancières, dont le comportement vis à vis du conglomérat sud-coréen Daewoo a démontré "l'absence complète de compréhension" des conditions nouvelles créées par la crise asiatique. "Les pays d'Asie orientale n'ont pas encore choisi quel devait être leur modèle", estime-t-il. "En ce qui concerne les pratiques financières, comptables, relationnelles, tous ces pays ne sont pas clairs sur ce qu'ils préfèrent". Ils ne peuvent pas à la fois "rester dans des systèmes familiers fondés sur des relations traditionnelles et jouer sur la scène mondiale", dit-il. L'absence de transparence financière convient à des modèles de croissance sans ouverture, comme ceux qui ont été appliqués avec succès dans le passé par le Japon et la Corée du Sud.
Mais, avertit M. Severino, "notre message est que si l'Asie fait le choix de continuer à regarder à l'échelle mondiale pour se financer, il faut absolument que la dynamique (de la réforme) s'approfondisse pour que cette partie du monde réduise sa vulnérabilité face à l'instabilité chronique des marchés". Il souligne que "les progrès accomplis en deux ans ont été énormes". Mais, "on est au quart du chemin à parcourir, y compris en Corée du Sud", le pays le plus avancé avec la Malaisie. C'est en Thaïlande et en Indonésie que la lenteur est la plus préoccupante. Pour lui "il y a urgence à accomplir cette réforme car le retard dans la restructuration financière est un des facteurs qui pourrait peser sur la croissance si la dynamique des exportations venait à se retourner". Il ne faut pas oublier, dit-il, que "globalement l'Asie sort de la crise plus endettée qu'auparavant, ce qui accroit sa vulnérabilité".  Il ne suffit pas, expliquet-il, "de recapitaliser les établissements bancaires, de les fusionner, d'en envoyer certains au tapis", si les deux principales difficultés ne sont pas traitées. La première est la situation des entreprises débitrices. Or, constate-t-il, "la restructuration des entreprises industrielles avance beaucoup plus lentement". Il y a un "décalage", qui s'explique par différents facteurs: la nature de la propriété des sociétés, une demande intérieure qui reste faible, le fait que mêmes améliorées, "les règles régissant les faillites restent très difficiles à mettre en oeuvre". L'autre dossier sensible concerne la "création de nouvelles pratiques dans les affaires et la réglementation du marché". "Tout ce qui fait, indique-t-il, la qualité du fonctionnement d'un marché": gestion transparente, supervision forte, comptabilité lisible, etc. Sur ce point, "le jugement est suspendu, la transition n'est pas accomplie", selon lui. 
Une autre interrogation porte sur le comportement des créanciers étrangers. "Les banques internationalessont-elles prêtes à retomber dans leurs errements antérieurs, prêter à court terme sans exigence de transparence, pour des motifs de concurrence?". A cet égard, dit-il, "je suis choqué par le comportement de certaines banques, y compris les plus grandes, qui ont accru leur risque sur Daewoo jusqu'au 1er semestre 1999". Cela manifeste, estime M. Severino, "une absence complète de compréhension du changement de la donne en Asie et de l'attitude pourtant très claire adoptée par le gouvernement sud-coréen". Ces banques, européennes et japonaises, s'opposent aujourd'hui au plan de restructuration de la dette colossale de 77 milliards de dollars accumulée par Daewoo. L'essentiel des quelque 7 mds de dollars dus aux banques étrangères est porté par Daewoo Corp., avec un taux de récupération proposé de 18 % seulement.

La BAD relève ses prévisions de croissance pour l'Asie (AFP, 23/11/99)
La Banque Asiatique de Développement (BAD) a relevé sensiblement mardi, à la veille d'un sommet de dix pays asiatiques à Manille, ses prévisions de croissance économique pour la région, les faisant passer d'une moyenne de 3,8% à 5,7%. "Les performances de 1999 apparaissent comme le début d'une remontée cyclique et les perspectives pour 2000 sont également
bonnes et bénéficient du soutien d'un taux de croissance plus élevé pour le commerce et les produits nationaux bruts dans le
monde", explique la BAD dans un document rendu public mardi à Manille. La BAD, dont le siège est à Manille où se tiendra le 28 novembre un sommet des dix pays de l'Association des nations du sud-est asiatique (Asean), note aussi que le Japon est en voie de sortir de la récession.
"Le Japon commence à émerger de la récession", note le document la BAD qui prévoit en général une période de "croissance
soutenue" pour toute la région asiatique.
Les prévisions de la BAD sont principalement basées sur une bonne reprise chez les économies des "tigres" de la région (Corée, Taiwan, Singapour et Hong Kong) ainsi que sur une croissance "robuste" en Chine. La Corée du sud, selon la BAD, l'un des pays les plus touchés par la crise déclenchée en 1997, est en tête de peloton pour les prévisions de croissance avec 9% pour 1999 contre un taux négatif de moins 5,8% en 1998. Le taux de croissance coréen doit ralentir légèrement à 6,5% en 2000 selon la BAD. Pour la Chine, la BAD prévoit une décélération de 7,8% en 1998 à 7,2% pour l'année en cours, et un taux de croissance de 6,5% également en 2000. En Chine, "la croissance des exportations se maintiendra à un faible niveau de 3% en 1999 tandis que l'accroissement des importations sera de 18% cette année", prévoit la BAD. L'expansion économique de Hong Kong, qui enregistrait un taux négatif de moins 5,1% en 1998, est chiffrée à 0,7% pour cette année dans le document de la banque. Le taux de croissance 2000 prévu pour l'ancienne colonie britannique est de 1,5%.
Singapour également doit effectuer selon la BAD un rebond d'un taux négatif de moins 1,5% l'an dernier à une croissance de 5% en 1999 et de 6% en 2000.
Pour l'ensemble de l'Asie du sud-est, y compris l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande qui ont été les pays les
touchés par la crise, le taux moyen de croissance pour 1999 est porté à 3% et à 4,5% pour 2000 alors qu'il était de moins 7,5% en 1998. Pour l'Indonésie, où ont été tenues le mois dernier les premières élections démocratiques du pays, mais qui demeure menacée par le séparatisme, le taux de croissance 1999 est chiffré à 2% et à 4% pour 2000 contre un taux négatif de moins 13,2% aux pires moments de la crise financière en 1998. Les prévisions de la BAD pour la Malaisie sont de 2% de croissance en 1999 et de 3,9% en 2000 alors que le taux 1998 était de moins 7,5%. Pour la Thaïlande, dont la dévaluation de fait de la monnaie nationale en juillet 1997 avait été à l'origine de la crise régionale, le taux négatif de moins 10% enregistré en 1998 se renversera à plus 4% cette année et atteindra 5% en 2000 selon les prévisions de la BAD.
Pour l'Asie du sud, qui inclut notamment l'Inde, le Pakistan et le Népal, la BAD mise sur un taux de croissance moyen de 5,5%
pour l'année en cours et de 6,1% en 2000 . la croissance de cette région était de 5,5% en 1998.
Quant aux îles-nations du Pacifique, la croissance passera de 0.5% en 1998 à 3,1% cette année, prévoit la Banque Asiatique de
Développement.

Camdessus en Asie orientale: un médecin sévère mais attentionné (AFP, 10/11/99)
La crise financière en Asie orientale n'a pas seulement rendu célèbre le nom de Michel Camdessus à travers toute la région: elle a réclamé un engagement personnel total du directeur général du FMI et entraîné une redéfinition du rôle de l'institution multilatérale, dont l'action a fait l'objet de violentes critiques. Annonçant mardi sa décision de partir en février 2000 sans achever son troisième mandat de cinq ans à la tête du Fonds Monétaire International, M. Camdessus a précisé qu'il n'avait "pas voulu considérer une seule seconde (son départ) tant que la crise asiatique était là et tant que je n'avais pas réussi à faire adopter des décisions tout à fait importantes telles que la réduction de la dette" ou le fait de "placer le combat contre la pauvreté au coeur de nos stratégies". Elu "l'homme le plus puissant d'Asie" en 1998 par l'hebdomadaire Asiaweek, l'ancien haut fonctionnaire français n'était pas le seul architecte des programmes d'ajustement imposés successivement à la Thaïlande, la Corée du Sud et l'Indonésie, élaborés sous la houlette de son numéro deux, l'économiste américain Stanley Fischer, et du patron du département Asie-Pacifique, Hubert Neiss. 
Mais c'est à Michel Camdessus, défenseur du "bon gouvernement", qu'il revenait de convaincre les dirigeants des pays en crise
d'apposer leur signature en bas de documents prescrivant des remèdes de cheval, la fin du modèle de croissance et la remise en
cause de l'organisation sociale qui caractérisaient le "miracle asiatique".
Début décembre 1997 à Séoul, il refuse de donner le feu vert au plan de sauvetage record de 52 milliards de dollars préparé pour la Corée du Sud tant que les trois candidats à l'élection présidentielle imminente ne s'engagent pas à respecter la signature du pouvoir sortant. Il obtient gain de cause.
Mais Michel Camdessus insiste également pour rencontrer les leaders syndicaux sud-coréens et plaide pour que le plan prévoit un renforcement du filet de protection social en faveur des victimes de la crise.
Quelques semaines plus tard à Djakarta, il assiste bras croisés à la signature du programme pour l'Indonésie par le président
Suharto. L'image choquera et deviendra pour nombre d'Asiatiques le symbole de l'humiliation d'une région jusque là si fière de ses performances économiques.
Michel Camdessus confiera en privé que la crise asiatique avait fait de lui "à la fois le gendarme et le guignol", celui qui donne les coups et celui qui les reçoit dans le théâtre des marionnettes lyonnaises. En ajoutant toutefois qu'il s'en tirait "sans trop de coup de bâtons, sauf pour une fâcheuse tendance à se croiser les bras".
En dépit des souffrances et des sacrifices imposés par l'ajustement, les critiques les plus virulentes de l'action du FMI en Asie
orientale ne viendront pas des pays en crise.
Les dirigeants portés au pouvoir après le passage de la tempête financière, Chuan Leekpai en Thaïlande ou Kim Dae Jung en Corée du Sud étaient eux-mêmes parfaitement conscients des tares qui fragilisaient le modèle de croissance asiatique: clientélisme, fragilité du système financier, manque de transparence dans les affaires, faiblesse du cadre légal et réglementaire.
"Nous apprécions au plus haut point son rôle à la tête du FMI et nous le remercions", indiquait d'ailleurs mercredi un responsable du ministère sud-coréen des Finances. "Même s'il y a eu quelques critiques sur les remèdes prescrits par le Fonds, son leadership sera reconnu pour avoir permis de surmonter la crise", ajoutait-il.
Le tir de barrage sera dirigé principalement depuis le siège de la Banque Mondiale à Washington, séparé de celui du FMI par la
19ème rue, et dans les couloirs du Congrès américain où le leader républicain du Sénat Trent Lott qualifiait un jour Michel
Camdessus de "socialiste de France" dont il souhaitait "être débarrassé".
La polémique a traversé la crise et survivra au départ de Michel Camdessus.
Tout récemment encore à Singapour devant le World Economic Forum, Joseph Stiglitz, vice-président et économiste en chef de la Banque Mondiale, refusait de reconnaître le moindre mérite à la stratégie suivie par le FMI en Asie.
A la même tribune, Stanley Fischer estimait au contraire que "fondamentalement, les programmes étaient corrects" en prescrivant "la stabilisation budgétaire et monétaire, l'accent mis sur la restructuration financière et industrielle". Et il mettait en garde contre le danger de la "complaisance" qui verrait la reprise économique stopper l'élan réformateur.