La réforme institutionnelle, clef de la croissance en Asie
(AFP,
1/6/2000)
Les pays d'Asie orientale doivent absolument renforcer leurs institutions
publiques et privées s'ils veulent que la forte reprise économique
actuelle se transforme en croissance durable, estime un rapport rendu public
jeudi à Tokyo par la Banque Mondiale.
Ayant surmonté la crise de 1997-98, l'Asie orientale est
"à nouveau la région qui croit le plus vite dans le monde",
a souligné Richard Newfarmer, le principal auteur du rapport intitulé
"Asie Orientale: au delà de la reprise". Dans les cinq "économies
en crise" en effet, la croissance du PIB aura varié l'an dernier
de 10,7 % en Corée du Sud à 3,2% aux Philippines, l'Indonésie,
où la contraction avait été la plus forte en 1998
(- 13,7%) parvenant elle aussi à mettre la tête hors de l'eau
(+ 0,2%).
Mais selon M. Newfarmer, économiste attaché à
la direction régionale Asie-Pacifique de la Banque, "prolonger la
reprise sur la prochaine décennie demandera de nouvelles sources
de productivité. Et une productivité plus forte dépend
des politiques et des institutions, privées, gouvernementales et
sociales".
Les auteurs du rapport ont résumé leurs conclusions
en trois défis majeurs pour les pays d'Asie orientale: "gérer
la globalisation", en particulier le processus d'intégration dans
la finance, le commerce et l'investissement; "revivifier les entreprises"
financières et industrielles; et finalement "forger un nouveau contrat
social et définir un rôle nouveau pour le gouvernement".
Masahiro Kawai, l'économiste en chef de la Banque Mondiale
pour la région, a souligné qu'il fallait maintenant "se concentrer
sur la question fondamentale du renforcement des institutions de ces économies
émergentes, qui sont constamment soumises à des chocs externes
ou internes".
Selon lui, ces pays avaient ignoré cette dimension institutionnelle
pendant la période de croissance rapide précédant
la crise mais ils ne peuvent plus "revenir aux pratiques anciennes comme
si de rien n'était". Par contre, ajoute-t-il, "si le rythme actuel
des changements institutionnels est maintenu, il n'y a pas de raisons qu'ils
ne puissent pas retrouver les taux de croissance annuelle de 4 à
7% connus dans le passé".
L'étude démontre clairement que la reprise en cours
n'a pas annulé la facture de la crise. Le cadre légal gouvernant
l'activité des banques et des entreprises a "connu des changements
profonds" et la "structure du système financier a été
remodelée" dans la plupart des pays.
Mais, a souligné Richard Newfarmer, "les banques restent
sous-capitalisées, les entreprises sont encore surendettées
et la crise a conduit à une augmentation de l'actionnariat public
dans nombre de grandes banques et entreprises". La dette publique a pratiquement
triplé par rapport au niveau, il est vrai très bas, d'avant
la tempête financière.
Globalement, les auteurs de l'étude décerne un
satisfecit aux politiques suivies par les gouvernements, relevant en particulier
que "les pays ont répondu à la crise non pas en tournant
le dos à la globalisation mais en la prenant à bras le corps
pour essayer de la gérer à leur avantage".
Toutefois, a indiqué M. Newfarmer, "nous appelons à
une plus grande transparence, à des progrès institutionnels
renforçant la fonction publique et améliorant l'allocation
des dépenses budgétaires, et enfin à une plus grande
responsabilisation des responsables".
Il a particulièrement insisté sur la corruption,
"domaine dans lequel la performance des pays d'Asie orientale n'est pas
particulièrement bonne".
Toutefois, insiste Masahiro Kawai, ces recommandations ne signifient
pas que la Banque Mondiale se départit de sa neutralité politique:
"La Banque Mondiale est politiquement neutre et c'est aux peuples concernés
de déterminer leurs régimes politiques. Ce que nous disons,
c'est que si ces pays veulent promouvoir une croissance économique
robuste, alors le renforcement de l'administration du secteur public est
très, très important".
Les mégafusions inquiètent les dirigeants d'Asie du
Sud-Est (Reuters, 12/2/2000)
Les pays d'Asie du Sud-est craignent le contrecoup de la vague actuelle
de mégafusions sur les pays en voie de développement. Des
stratégies alternatives de développement économique
doivent être trouvées pour faire face à ce phénomène,
ont estimé samedi les dirigeants de l'Associations des nations de
l'Asie du sud-est (Asean) lors d'une rencontre avec le secrétaire
général des Nations unies, Kofi Annan. Cette réunion
se déroulait en marge de la Conférence des Nations unies
pour le commerce et le développement (CNUCED), qui a commencé
samedi. Depuis le début de l'année 2000, deux fusions d'envergure
mondiale ont été annoncées : AOL et Time Warner aux
Etats-Unis (151,8 milliards de dollars), Vodafone et Mannesmann en Europe
(176,5 milliards). Le Premier ministre malais, Mahathir Mohamad, s'est
notamment inquiété des avantages décisifs qu'auront
ces nouveaux groupes sur les entreprises nationales de moindre envergure.
L'Asean regroupe la Malaisie, Singapour, la Thaïlande, le Vietnam,
Brunei, le Laos, la Birmanie, le Cambodge, les Philippines et l'Indonésie.
L'Asie a changé : une nouvelle phase de la mondialisation
commence
Le point de vue de DANIEL HABER (Les Echos, 27/1/2000)
Cinq événements majeurs ont, depuis une quinzaine d'années,
façonné la vision que les chefs d'entreprise, ou tout simplement
les citoyens, portent sur l'Asie : Il y a d'abord eu, en 1985, l'avènement
du Japon au rang de superpuissance, la deuxième au monde avec, en
perspective, « Japan as Number One » (comme le prédisait
le livre d'Ezra Vogel) et « Le Japon qui achète le monde »
(de P. A. Donnet).
A la suite du Japon, tous les pays d'Asie qui, pour la plupart, étaient
restés dans l'état naturel du non-développement, ont
été gagnés par le « miracle économique
», sous l'influence du Japon et grâce au relais d'un groupe
particulier, les émigrés chinois qui, au contact des colonisateurs
(Européens, Américains, Japonais) présents dans toute
la région, sont devenus ces êtres improbables : des entrepreneurs
chinois.
Le couronnement de cet essor « miraculeux » a été,
à partir de 1980, l'entrée de la Chine dans la modernité
et dans le monde. L'événement-avènement de la Chine
a bouleversé l'idée que l'Asie se faisait d'elle-même
: de « copieur » du modèle occidental, l'Asie s'est
imposée comme porteur de valeurs particulières, les «
valeurs orientales », qui avaient gagné le droit de s'imposer
au monde, et donc de s'opposer à l'Occident, par le simple fait
de la réussite économique, preuve matérielle de l'efficacité
de
ces contre-valeurs.
Ces « valeurs orientales », dont l'Occident avait fini
par se persuader qu'elles étaient, peut-être, l'avenir du
monde ou du moins une alternative crédible à la pensée
occidentale, ont sombré dans une double crise : la première
crise a été celle du Japon par l'éclatement de la
bulle spéculative, en 1990. Le Japon n'a toujours pas fini de payer
les excès commis, de 1985 à 1990, au nom de ces valeurs orientales
triomphantes... et débridées.
La deuxième crise, et le cinquième et dernier «
événement », a été le choc financier
du reste de l'Asie, la crise asiatique de 1997, qui a mis fin à
plusieurs mythes, notamment celui d'une Asie partageant un destin commun
et celui de la supériorité des valeurs asiatiques.
A l'issue de ces cinq événements, la lecture que l'on
peut faire de l'Asie est devenue plus complexe mais également plus
réaliste. La fin des mythes marque le début d'une vision
diversifiée et équilibrée d'une région qui
reste difficile à décoder.
La crise a fait apparaître plusieurs « Asies » :
une Asie triomphante, celle du monde chinois, c'est-à-dire à
la fois celle de la Chine encore communiste (du moins dans nombre de ses
structures apparentes) et celle de la Chine des diasporas, en tête
desquelles Taiwan fait figure de leader économique incontesté
; une Asie en perdition, l'Asie du Sud-Est, marquée par l'échec
des vanités et l'excès de la corruption ; une Asie en mutation
intense, celle du Japon, entré, par la crise, dans sa troisième
révolution sociétale (après celle de Meiji et celle
imposée par Mac Arthur) et celle de la Corée du Sud, engagée
dans un double mouvement de démocratisation, politique et économique.
Le rebond en cours permet de répondre à une vraie question
: les miracles économiques ont-ils été une mystification
en même temps qu'une mythification ? Il est clair que tous les pays
d'Asie sont désormais ancrés dans la modernité et
qu'un cliquet empêche le retour à l'état de nature
: le progrès est inscrit, pour toujours, dans l'esprit des Asiatiques
et cette idée prométhéenne, à l'opposé
de la passivité bouddho-confucéenne, est au coeur de la reprise
et le gage des succès futurs. Les crises ont été salutaires
car elles ont mis fin à l'arrogance et ouvert la voie à des
relations Occident-Orient plus équilibrées.
Les acquisitions occidentales (du domaine de l'automobile notamment)
répondent à l'entrée massive des Japonais (et des
Coréens, Taïwanais, Singapouriens) sur les grands marchés
de l'Occident. La réciprocité est possible et le jeu est
désormais plus ouvert et plus réactif.Ce que les Japonais
ont réussi, en Europe et aux Etats-Unis, où ils gèrent
plus d'un millier de «
transplants », il appartient désormais aux Occidentaux
d'en donner la réplique : faire travailler ensemble, de façon
efficace, des cultures dissemblables.Que le XXIe siècle s'ouvre
sur cette relation nouvelle, sur cette réciprocité des acquisitions,
est sans
doute la démonstration qu'une phase nouvelle de la mondialisation
est en cours. Cette mondialisation est marquée par la multiplication
des alliances, parfois inattendues et toujours polycontinentales. Dès
lors, les valeurs (traditions, comportements, croyances profondes...) ne
peuvent plus être perçues seulement comme « autres »
mais aussi, et surtout, comme des sources nouvelles d'efficacité,
des compléments à notre propre pensée, des enrichissements
de nos pratiques.
L'Asie nous apparaîtra ainsi comme un miroir de nos propres valeurs
et comme le lieu privilégié d'une pensée « mondiale
», combinant ce que l'esprit humain a conçu de meilleur. De
ce point de vue, et dans le contexte d'une concurrence accrue entre grands
groupes mondiaux, les vainqueurs seront ceux qui sauront le mieux et le
plus vite réussir la combinaison optimale des valeurs.
La corruption à nouveau sur le devant de la scène en
Asie (AFP, 24/1/2000)
Scandale en Chine, réaction de colère en Corée
du sud, la corruption n'en finit pas de miner les économies et les
systèmes politiques du continent asiatique. Le phénomème
n'est certes pas nouveau en Asie où l'opacité et la collusion
entre Etat et économie sont régulièrement dénoncés
par les experts occidentaux, du Japon à la Corée du sud en
passant par l'Indonésie ou la Malaisie. Mais le phénomène
a incontestablement fleuri au cours des dernières années
en raison du boom économique qui a bouleversé le continent
asiatique. Tous les pays d'Asie ou presque sont concernés. Les militaires
pakistanais, qui ont pris le pouvoir l'an dernier à Islamabad, doivent
leur grande popularité à leur engagement, au moins sur le
papier, à pourfendre la corruption. La République populaire
de Chine est en passe de mettre au jour l'un des plus gros scandales d'argent
détourné depuis sa création il y a cinquante ans,
après les révélations ce week-end d'une énorme
affaire de contrebande dans la province du Fujian (sud-est), en passe d'éclabousser
des hauts dirigeants à Pékin. Quelque 400 enquêteurs
ont été dépêchés sur place pour tenter
de faire la lumière sur ce scandale, qui porte sur des milliards
de dollars de produits importés en fraude (principalement de l'essence
et des voitures) et qui s'est déjà traduit par une trentaine
d'arrestations, dont celles de plusieurs responsables locaux des douanes
et de la police. Plus à l'est, c'est la société civile
sud-coréenne qui a manifesté lundi son impatience en publiant
les noms de 67 hommes politiques qualifiés d'"incompétents
et corrompus", au nombre desquels figure un ancien Premier ministre. Cette
initiative, plutôt originale au pays du matin calme, a été
prise par un groupe de 470 organisations et associations diverses. L'opinion
publique sud-coréenne n'est pas la seule à gronder. La pression
des sociétés civiles un peu partout en Asie a joué
un rôle non négligeable dans la prise de conscience de ce
phénomène, affirme la Banque asiatique de développement
(BAD) sur son site internet. Selon cette banque basée à Manille,
"la corruption peut accroître de 20 à 100% la valeur des biens
ou services publics dans plusieurs pays asiatiques. Les pertes liées
à la corruption peuvent y représenter plus de la totalité
de la dette extérieure". Et enfin, "dans les pays où la corruption
est endémique, les hauts-dirigeants des entreprises passent près
du tiers de leur temps à négocier avec des responsables publics,
contre seulement 5% dans les pays où la corruption n'est pas un
problème", indique la BAD. Aux Philippines, la Banque mondiale a
récemment estimé de son côté à près
de la moitié des revenus de l'Etat les pertes chaque année
occasionnées par la corruption. Celles-ci ont été
évaluées à un milliard de dollars par la banque mondiale
dans un rapport intermédiaire sur la corruption aux Philippines
publié le 30 novembre dernier alors que les revenus de l'Etat ont
atteint 398,37 milliards de pesos (2,5 mds de dollars) pour la période
de janvier à octobre 1999. Les Nations unies ne sont pas loin de
faire la même analyse. L'Asie du Sud - le sous-continent indien -
est la région la plus corrompue au monde, un phénomène
qui coûte des milliards de dollars et appauvrit des centaines de
millions de personnes, selon un rapport de l'ONU publié début
novembre. On comprend mieux pourquoi le groupe des sept pays les plus industrialisés
du monde (G7) a tiré la sonnette d'alarme ce week-end à Tokyo.
"Les bénéfices et les opportunités du système
financier international peuvent aussi être minés par la corruption",
a indiqué samedi un communiqué du G7.
L'Asie doit choisir son modèle financier, selon un responsable
de la Banque Mondiale (AFP, 22/12/99)
En dépit des progrès accomplis, la réforme financière
en Asie orientale avance trop lentement parce que les pays de la région
n'ont pas encore fait clairement le choix d'un système financier
ouvert sur le monde, a indiqué mercredi le vice-président
de la Banque Mondiale pour l'Asie-Pacifique Jean-Michel Severino.
Dans un entretien à l'AFP, M. Severino a par ailleurs mis en
cause l'attitude des banques internationales créancières,
dont le comportement vis à vis du conglomérat sud-coréen
Daewoo a démontré "l'absence complète de compréhension"
des conditions nouvelles créées par la crise asiatique. "Les
pays d'Asie orientale n'ont pas encore choisi quel devait être leur
modèle", estime-t-il. "En ce qui concerne les pratiques financières,
comptables, relationnelles, tous ces pays ne sont pas clairs sur ce qu'ils
préfèrent". Ils ne peuvent pas à la fois "rester dans
des systèmes familiers fondés sur des relations traditionnelles
et jouer sur la scène mondiale", dit-il. L'absence de transparence
financière convient à des modèles de croissance sans
ouverture, comme ceux qui ont été appliqués avec succès
dans le passé par le Japon et la Corée du Sud.
Mais, avertit M. Severino, "notre message est que si l'Asie fait le
choix de continuer à regarder à l'échelle mondiale
pour se financer, il faut absolument que la dynamique (de la réforme)
s'approfondisse pour que cette partie du monde réduise sa vulnérabilité
face à l'instabilité chronique des marchés". Il souligne
que "les progrès accomplis en deux ans ont été énormes".
Mais, "on est au quart du chemin à parcourir, y compris en Corée
du Sud", le pays le plus avancé avec la Malaisie. C'est en Thaïlande
et en Indonésie que la lenteur est la plus préoccupante.
Pour lui "il y a urgence à accomplir cette réforme car le
retard dans la restructuration financière est un des facteurs qui
pourrait peser sur la croissance si la dynamique des exportations venait
à se retourner". Il ne faut pas oublier, dit-il, que "globalement
l'Asie sort de la crise plus endettée qu'auparavant, ce qui accroit
sa vulnérabilité". Il ne suffit pas, expliquet-il,
"de recapitaliser les établissements bancaires, de les fusionner,
d'en envoyer certains au tapis", si les deux principales difficultés
ne sont pas traitées. La première est la situation des entreprises
débitrices. Or, constate-t-il, "la restructuration des entreprises
industrielles avance beaucoup plus lentement". Il y a un "décalage",
qui s'explique par différents facteurs: la nature de la propriété
des sociétés, une demande intérieure qui reste faible,
le fait que mêmes améliorées, "les règles régissant
les faillites restent très difficiles à mettre en oeuvre".
L'autre dossier sensible concerne la "création de nouvelles pratiques
dans les affaires et la réglementation du marché". "Tout
ce qui fait, indique-t-il, la qualité du fonctionnement d'un marché":
gestion transparente, supervision forte, comptabilité lisible, etc.
Sur ce point, "le jugement est suspendu, la transition n'est pas accomplie",
selon lui.
Une autre interrogation porte sur le comportement des créanciers
étrangers. "Les banques internationalessont-elles prêtes à
retomber dans leurs errements antérieurs, prêter à
court terme sans exigence de transparence, pour des motifs de concurrence?".
A cet égard, dit-il, "je suis choqué par le comportement
de certaines banques, y compris les plus grandes, qui ont accru leur risque
sur Daewoo jusqu'au 1er semestre 1999". Cela manifeste, estime M. Severino,
"une absence complète de compréhension du changement de la
donne en Asie et de l'attitude pourtant très claire adoptée
par le gouvernement sud-coréen". Ces banques, européennes
et japonaises, s'opposent aujourd'hui au plan de restructuration de la
dette colossale de 77 milliards de dollars accumulée par Daewoo.
L'essentiel des quelque 7 mds de dollars dus aux banques étrangères
est porté par Daewoo Corp., avec un taux de récupération
proposé de 18 % seulement.
La BAD relève ses prévisions de croissance pour l'Asie
(AFP,
23/11/99)
La Banque Asiatique de Développement (BAD) a relevé sensiblement
mardi, à la veille d'un sommet de dix pays asiatiques à Manille,
ses prévisions de croissance économique pour la région,
les faisant passer d'une moyenne de 3,8% à 5,7%. "Les performances
de 1999 apparaissent comme le début d'une remontée cyclique
et les perspectives pour 2000 sont également
bonnes et bénéficient du soutien d'un taux de croissance
plus élevé pour le commerce et les produits nationaux bruts
dans le
monde", explique la BAD dans un document rendu public mardi à
Manille. La BAD, dont le siège est à Manille où se
tiendra le 28 novembre un sommet des dix pays de l'Association des nations
du sud-est asiatique (Asean), note aussi que le Japon est en voie de sortir
de la récession.
"Le Japon commence à émerger de la récession",
note le document la BAD qui prévoit en général une
période de "croissance
soutenue" pour toute la région asiatique.
Les prévisions de la BAD sont principalement basées sur
une bonne reprise chez les économies des "tigres" de la région
(Corée, Taiwan, Singapour et Hong Kong) ainsi que sur une croissance
"robuste" en Chine. La Corée du sud, selon la BAD, l'un des pays
les plus touchés par la crise déclenchée en 1997,
est en tête de peloton pour les prévisions de croissance avec
9% pour 1999 contre un taux négatif de moins 5,8% en 1998. Le taux
de croissance coréen doit ralentir légèrement à
6,5% en 2000 selon la BAD. Pour la Chine, la BAD prévoit une décélération
de 7,8% en 1998 à 7,2% pour l'année en cours, et un taux
de croissance de 6,5% également en 2000. En Chine, "la croissance
des exportations se maintiendra à un faible niveau de 3% en 1999
tandis que l'accroissement des importations sera de 18% cette année",
prévoit la BAD. L'expansion économique de Hong Kong, qui
enregistrait un taux négatif de moins 5,1% en 1998, est chiffrée
à 0,7% pour cette année dans le document de la banque. Le
taux de croissance 2000 prévu pour l'ancienne colonie britannique
est de 1,5%.
Singapour également doit effectuer selon la BAD un rebond d'un
taux négatif de moins 1,5% l'an dernier à une croissance
de 5% en 1999 et de 6% en 2000.
Pour l'ensemble de l'Asie du sud-est, y compris l'Indonésie,
la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande qui ont été
les pays les
touchés par la crise, le taux moyen de croissance pour 1999
est porté à 3% et à 4,5% pour 2000 alors qu'il était
de moins 7,5% en 1998. Pour l'Indonésie, où ont été
tenues le mois dernier les premières élections démocratiques
du pays, mais qui demeure menacée par le séparatisme, le
taux de croissance 1999 est chiffré à 2% et à 4% pour
2000 contre un taux négatif de moins 13,2% aux pires moments de
la crise financière en 1998. Les prévisions de la BAD pour
la Malaisie sont de 2% de croissance en 1999 et de 3,9% en 2000 alors que
le taux 1998 était de moins 7,5%. Pour la Thaïlande, dont la
dévaluation de fait de la monnaie nationale en juillet 1997 avait
été à l'origine de la crise régionale, le taux
négatif de moins 10% enregistré en 1998 se renversera à
plus 4% cette année et atteindra 5% en 2000 selon les prévisions
de la BAD.
Pour l'Asie du sud, qui inclut notamment l'Inde, le Pakistan et le
Népal, la BAD mise sur un taux de croissance moyen de 5,5%
pour l'année en cours et de 6,1% en 2000 . la croissance de
cette région était de 5,5% en 1998.
Quant aux îles-nations du Pacifique, la croissance passera de
0.5% en 1998 à 3,1% cette année, prévoit la Banque
Asiatique de
Développement.
Camdessus en Asie orientale: un médecin sévère
mais attentionné (AFP, 10/11/99)
La crise financière en Asie orientale n'a pas seulement rendu
célèbre le nom de Michel Camdessus à travers toute
la région: elle a réclamé un engagement personnel
total du directeur général du FMI et entraîné
une redéfinition du rôle de l'institution multilatérale,
dont l'action a fait l'objet de violentes critiques. Annonçant mardi
sa décision de partir en février 2000 sans achever son troisième
mandat de cinq ans à la tête du Fonds Monétaire International,
M. Camdessus a précisé qu'il n'avait "pas voulu considérer
une seule seconde (son départ) tant que la crise asiatique était
là et tant que je n'avais pas réussi à faire adopter
des décisions tout à fait importantes telles que la réduction
de la dette" ou le fait de "placer le combat contre la pauvreté
au coeur de nos stratégies". Elu "l'homme le plus puissant d'Asie"
en 1998 par l'hebdomadaire Asiaweek, l'ancien haut fonctionnaire français
n'était pas le seul architecte des programmes d'ajustement imposés
successivement à la Thaïlande, la Corée du Sud et l'Indonésie,
élaborés sous la houlette de son numéro deux, l'économiste
américain Stanley Fischer, et du patron du département Asie-Pacifique,
Hubert Neiss.
Mais c'est à Michel Camdessus, défenseur du "bon gouvernement",
qu'il revenait de convaincre les dirigeants des pays en crise
d'apposer leur signature en bas de documents prescrivant des remèdes
de cheval, la fin du modèle de croissance et la remise en
cause de l'organisation sociale qui caractérisaient le "miracle
asiatique".
Début décembre 1997 à Séoul, il refuse
de donner le feu vert au plan de sauvetage record de 52 milliards de dollars
préparé pour la Corée du Sud tant que les trois candidats
à l'élection présidentielle imminente ne s'engagent
pas à respecter la signature du pouvoir sortant. Il obtient gain
de cause.
Mais Michel Camdessus insiste également pour rencontrer les
leaders syndicaux sud-coréens et plaide pour que le plan prévoit
un renforcement du filet de protection social en faveur des victimes de
la crise.
Quelques semaines plus tard à Djakarta, il assiste bras croisés
à la signature du programme pour l'Indonésie par le président
Suharto. L'image choquera et deviendra pour nombre d'Asiatiques le
symbole de l'humiliation d'une région jusque là si fière
de ses performances économiques.
Michel Camdessus confiera en privé que la crise asiatique avait
fait de lui "à la fois le gendarme et le guignol", celui qui donne
les coups et celui qui les reçoit dans le théâtre des
marionnettes lyonnaises. En ajoutant toutefois qu'il s'en tirait "sans
trop de coup de bâtons, sauf pour une fâcheuse tendance à
se croiser les bras".
En dépit des souffrances et des sacrifices imposés par
l'ajustement, les critiques les plus virulentes de l'action du FMI en Asie
orientale ne viendront pas des pays en crise.
Les dirigeants portés au pouvoir après le passage de
la tempête financière, Chuan Leekpai en Thaïlande ou
Kim Dae Jung en Corée du Sud étaient eux-mêmes parfaitement
conscients des tares qui fragilisaient le modèle de croissance asiatique:
clientélisme, fragilité du système financier, manque
de transparence dans les affaires, faiblesse du cadre légal et réglementaire.
"Nous apprécions au plus haut point son rôle à
la tête du FMI et nous le remercions", indiquait d'ailleurs mercredi
un responsable du ministère sud-coréen des Finances. "Même
s'il y a eu quelques critiques sur les remèdes prescrits par le
Fonds, son leadership sera reconnu pour avoir permis de surmonter la crise",
ajoutait-il.
Le tir de barrage sera dirigé principalement depuis le siège
de la Banque Mondiale à Washington, séparé de celui
du FMI par la
19ème rue, et dans les couloirs du Congrès américain
où le leader républicain du Sénat Trent Lott qualifiait
un jour Michel
Camdessus de "socialiste de France" dont il souhaitait "être
débarrassé".
La polémique a traversé la crise et survivra au départ
de Michel Camdessus.
Tout récemment encore à Singapour devant le World Economic
Forum, Joseph Stiglitz, vice-président et économiste en chef
de la Banque Mondiale, refusait de reconnaître le moindre mérite
à la stratégie suivie par le FMI en Asie.
A la même tribune, Stanley Fischer estimait au contraire que
"fondamentalement, les programmes étaient corrects" en prescrivant
"la stabilisation budgétaire et monétaire, l'accent mis sur
la restructuration financière et industrielle". Et il mettait en
garde contre le danger de la "complaisance" qui verrait la reprise économique
stopper l'élan réformateur.
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