Quatre
mille hectares de la forêt indonésienne disparaissent chaque
jour (AFP, 26/4/2000)
La forêt indonésienne, la deuxième au monde par
la superficie, disparaît au rythme de 4.000 hectares par jour, dont
plus de la moitié sont illégalement coupés, et Jakarta
ne semble en mesure d'y mettre un terme.
"La situation va de pire en pire et nous devons faire quelque
chose", explique Jeffrey Sayer, directeur général du Centre
international de recherches forestières (CIFOR), organisateur d'un
séminaire qui vient de rassembler à Bogor (sud-est de Jakarta)
administration, industries forestières, organisations internationales
et ONG.
L'exploitation des forêts en Indonésie, note une
étude de la Banque Mondiale publiée à cette occasion,
a été "un important contributeur à la croissance"
mais "ses conséquences générales, une rapide déforestation
et une distribution particulièrement inéquitable de ses bénéfices,
sont totalement insatisfaisantes".
Outre les conséquences écologiques, la politique
forestière de Jakarta a, selon l'étude, privilégié
le "même petit nombre de conglomérats" et, "en déniant
les droits traditionnels des populations locales, a fait naître des
conflits et créé l'un des plus sérieux problèmes
sociaux auquel l'Indonésie doit maintenant faire face".
Alors que le volume annuel de production calculé en tenant
compte des possibilités de renouvellement de la forêt, est
de 21,4 millions m3, l'Indonésie en produit, selon l'étude,
77,9 millions.
Le total correspond à 1,5 million d'hectares de forêts
qui disparaissent chaque année, essentiellement pour laisser place
à des plantations de palmiers à huile à haut et rapide
rendement.
Ces hectares d'arbres vont nourrir une industrie de produits
dérivés du bois, contreplaqué et papier notamment,
surdimensionnée par rapport à la matière première
disponible dans le pays.
Ces usines, bâties par des grandes sociétés
grâce à des emprunts internationaux qu'elles ne peuvent ou
ne veulent pas rembourser, sont maintenant sous le contrôle de l'Agence
indonésienne pour la restructuration bancaire (IBRA).
Leur maintien en activité ne sera possible qu'en important
le bois, ce qui suppose des devises étrangères qui font défaut
à l'Indonésie économiquement à genoux et qui
ne survit que grâce à l'aide financière internationale.
Les représentants gouvernementaux ont catégoriquement
exclu que ces usines puissent être fermées, invoquant des
raisons économiques et sociales.
"Leur avenir est très noir mais il n'y a aucun consensus
pour la fermeture de ces usines. C'est une question politiquement très
sensible", a résumé un économiste, indiquant que l'IBRA
a hérité de 8 milliards de dollars de dettes du secteur.
Les participants au séminaire ont pris note de la volonté
de décentralisation du nouveau régime indonésien,
ce qui peut permettre une plus grande participation des communautés
locales à l'exploitation des forêts, soulignant toutefois
que cela ne garantit pas toujours une meilleure protection.
Bien au contraire : des ONG ont cité des cas où
la décentralisation a été le signal de l'accélération
du pillage des ressources naturelles, souvent à l'instigation d'hommes
d'affaires locaux.
"Une forme de contrôle central est sans doute nécessaire",
estime ainsi Jeffrey Sayer.
Pour la BM, "une certaine forme de compensation ou de transfert
de ressources ou de compensation puisse être nécessaire pour
inciter les communautés locales et les gouvernements régionaux
à conserver intactes leurs forêts".
Comme le dit Mme Uma Lele, l'un des auteurs de l'étude,
"en matière de forêts tropicales, il y a a un fossé
majeur entre la manière dont la communauté internationale
voudrait qu'elles soient gérées et ce qu'en attendent les
communautés locales pour leur intérêt immédiat".
Les
grands chantiers du 21ème siècle en Asie... (extraits
AFP, 23/1/2000)
L'Asie, l'Afrique et le Moyen-Orient ont d'ambitieux projets d'architecture
au 21ème siècle avec la sortie de terre de nouvelles capitales,
d'aéroports tentaculaires, de lacs artificiels grands comme les
mers, recense le mensuel "Chantier coopératifs" dans sa dernière
édition.Prenant appui sur l'ouvrage "Les grands travaux", premier
guide international dédié entièrement aux grands
chantiers et aux projets innovants, le mensuel dresse une liste des
projets à venir de par le monde.Les pays qualifiés en voie
de développement sont en passe de rattraper, du moins en terme de
construction, les contrées les plus riches. Pour la Malaisie, c'est
déjà chose faite. Ce pays de moins de 20 millions d'habitants
a le privilège de posséder les plus hautes tours du monde.
Des projets d'infrastructures importants vont naître en Chine avec
la construction de grands barrages. Des technopoles consacrées à
l'informatique vont poindre en Malaisie et en Inde, souligne Chantiers
coopératifs. En Asie, il est prévu de créer un aéroport
pharaonique à Shanghaï pour remplacer l'actuel qui arrive à
saturation et de réaliser un pont suspendu qui serait parmi les
plus grands du monde à Hong-Kong. Au Japon, des spécialistes
se penchent sur la création d'une nouvelle capitale susceptible
de remplacer Tokyo, ville actuellement trop exposée aux risques
sismiques.
.....
L'INDE VA-T-ELLE VERS UN DESASTRE ECOLOGIQUE ? (FRANÇOIS GAUTIER (Correspondant du "Figaro")
Simla, Himalaya indiens. Autrefois, on appelait cette ville, située à 2200 mètres d'altitude parmi des cèdres tricentenaires et des sapins qui s'élancent vers le ciel, " la perle des Himalaya ". Les Shahibs britanniques y envoyaient femmes et enfants pendant les grosses chaleurs qui terrassaient les plaines avant la mousson d'Août; et un moment, le gouvernement se déplaçait même en Mai, avec armes, bagages et coolies. Les Gracieux sujets de Sa Majesté y avaient recréé une miniAngleterre: petits bungalows avec leur jardin à l'anglaise, où fleurissaient dahlias et pétunias; à l'intérieur, l'eau canalisée des torrents sortait claire et fraîche de beaux robinets en cuivre importés d'Europe; et on avait appris aux cuisiniers du cru à concocter des rosbif à la marmelade et des puddings aux raisins du Bengale. Mais aujourd'hui, Simla présente un triste spectacle au touriste qui ose s'y aventurer, alléché par des prospectus dithyrambiques: la plupart des ravissantes maisonnettes ont été rasées pour faire place à de laids appartements que les promoteurs vendent à des prix insensés aux nouveaux riches de New Delhi; il y a longtemps que les cèdres et les sapins ont été abattus pour nourrir l'appétit toujours plus vorace des grandes scieries de la plaine; et la seule eau potable que l'on y trouve est minérale, car toutes les sources se sont asséchées.
Maneka Gandhi, l’autre belle-fille d’indira Gandhi, qui fut un excellent
Ministre de l'Environnement, vient de lancer un avertissement: " D'ici
25 ans, notre population aura dépassé le milliard et demi
et aura tout envahi: les villes, les campagnes, les montagnes et
annihilé 60 ans d'effort , ainsi que les gains de la libéralisation
économique ". Et déjà, New Delhi, qui était
autrefois une des plus belles villes en Inde, la plus ancienne, la plus
verte, est devenue une des métropoles les plus polluées au
monde, dépassant même certains jours les niveaux de Mexico.
" Demain, toute l'Inde sera tellement polluée par les voitures et
les usines qui déversent les déchets dans toutes les rivières,
que toute vie végétale et animale aura pratiquement disparu
du sous-continent. Il n'y aura plus d'eau potable, excepté dans
le bouteilles d'eau minérale. Et le pays entier sera tant inondé
de plastique, qu'il sera matériellement impossible de s'en débarrasser
", surenchérit Maneka Gandhi. Car malheureusement, l'Inde est devenue
la civilisation du plastique: finies les belles cruches en terre qui gardaient
l'eau si fraîche en été, les merveilleux récipients
en cuivre et en bronze, où l'on servait le dal (lentilles), le curd
(yaourt) et les gulab jamuns (sucreries). Aujourd'hui tout est en plastique:
même le compost qui sert à enrichir les champs des paysans
du Tamil Nadu, est jonché de sacs en plastique.
Mais qu'en est-il des forêts ? " En 1950, affirme le Dr M.S. Swaminathan,
un célèbre écologiste, 1/3 de l'Inde était
encore couverte de forêts. Mais depuis, un territoire grand
comme la Suisse est déboisé chaque année, soit près
de 2 millions d'hectares; ce qui fait
qu'aujourd'hui seulement 11% des forêts recensés par le
gouvernement ont une densité qui mérite le nom de forêts
- et encore, seules 3% d'entre elles sont réellement protégées
des tribus qui y empiètent constamment ". Le Dr Swaminathan accuse
les propriétaires des grandes scieries de déboiser l'Inde,
de mèche avec des politiciens corrompus. Il ajoute que le Ministère
de l'environnement trafique les statistiques, afin de démontrer
que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes et ferme les yeux
sur la " colonisation " écologique de l'Inde. Il cite ainsi le cas
d'un arbre rare de l'Himalaya, " l'Himalayan Yew ", dont l'écorce
possède des propriétés anti-cancer. Son abattage a
été interdit aux Etats Unis dans les montagnes Rocheuses;
aussi les multinationales pharmaceutiques se rabattent-elles sur l'Inde,
où l'arbre va bientôt disparaître dans l'indifférence
générale.
Et la catastrophe écologique s'accélère de plus
en plus. La ligne de chemin de fer Konkan, qui relie Bombay à Goa,
a coupé, tel un bulldozer fou, à travers quelques unes des
plus belles forêts des ghats (montagnes) occidentales - et cela malgré
l'opposition acharnée des écologistes. Les grands barrages,
que Nehru appelait les " nouveaux dieux de l'Inde ", tel celui de la Narmada,
sont des catastrophes écologiques en puissance, déplaçant
des dizaines de milliers de personnes, submergeant des temples millénaires
et des milliers d'hectares de précieuses forêts. De
nombreuses organisations écologiques ont par ailleurs averti qu'un
autre mégabarrage, celui de Tehri dans les Himalaya, se situait
en zone sismique; mais le gouvernement indien persiste. L'autoroute de
la Côte Est qui doit relier Calcutta à l'extrême pointe
de l'Inde veut se modeler sur celle de la Costa Brava et développer
ainsi 2000
kilomètres de côtes touristiques. Mais le gouvernement
indien feint d'ignorer que la Costa Brava fut un désastre écologique,
défigurant tout le littoral avec ses millions de tonnes de ciment.
Déjà entre Mahabalipuram et Pondichéry, des milliers
d'arbres bicentenaires, des tamariniers, des banians, qui donnaient de
l'ombre depuis plusieurs générations, ont été
coupés, massacrés. Bizarrement, les villageois semblent indifférents,
ne pensant qu'aux bénéfices matériels que cette autoroute
leur apportera; " ils ne soupçonnent pas la laideur, la saleté,
la prostitution, la criminalité même, qu'elle amènera
également avec elle ", soupire Ajit, membre d'INTACH, une organisation
sociale qui milite au Tamil Nadu. En quelques années, des endroits
de rêve, où des rizières vertes côtoient des
dunes de sable blanc, le long de forêts de filarias, disparaîtront;
et c'est toute une harmonie millénaire de vie
tranquille au rythme de la nature, qui s'en ira aussi. " Et tout cela
bien sûr, accuse Ajit, est sponsorisé par la Banque
d'Asie, une filiale de la Banque Mondiale et le gouvernement indien ".
Benares. Tous les matins depuis cinquante ans, Hari Prasad se lève à 3.30 et après s'être dévêtu, descend religieusement les marches du ghat Kedarnath qui s'avance dans la rivière Gange. Là il s'immerge entièrement, y plongeant trois fois la tête, en marmonnant des prières sanskrites; puis en extase, il en boit quelques gorgées, après avoir chanté trois fois AUM, la syllabe sacrée des Hindous. Quand on lui fait remarquer que l'eau du Gange à Benares est si polluée qu'elle est même déconseillée aux animaux, il s'indigne: " Ganga hardam swatch e", " le Gange est éternellement pur ".
Car ici nous sommes dans la ville la plus ancienne, la plus sainte des Grandes Indes et il y a 5000 ans que les Hindous tiennent le Gange pour sacré. S'y baigner, c'est se purifier de tout mauvais karma; y mourir, c'est être sûr de bien renaître dans la prochaine vie. " Et pourtant, accuse Navaroze, un écologiste indien, regardez donc ce que les Hindous ont fait - et font encore de leur Gange: ils y jettent leur morts; ils y urinent; ils y défèquent; et maintenant ils y déversent les déchets de leurs usines chimiques ". Et c'est vrai: ce même Hindou qui urine un peu pus haut, va tout à l'heure boire l’eau du Gange en aval, pensant ainsi se purifier. C'est comme si les Hindous pensaient que la qualité spirituelle de l'eau du Gange ne pouvait être entachée par la saleté matérielle. Et Navaroze de conclure: " Le fleuve Gange semble être la parfaite illustration d'une religion qui exige de ses fidèles mille rites pour se purifier, mais laisse sa matière dégénérer ".
Pourquoi cette contradiction? Pourquoi cet immense paradoxe, qui semble
responsable de la lente glissade de l'Inde vers la catastrophe écologique
que beaucoup d'experts prédisent d'ici une vingtaine d'années
? Où sont les racines de cette négligence si flagrante en
Inde pour l'environnement ? Les causes de cette ignorance de la beauté,
de cette saleté et de cette laideur, qui choquent tant les Occidentaux
à leur premier contact ici ? Ce pays avait pourtant autrefois un
merveilleux sens de la beauté, comme en témoignent ses temples
magnifiques, le Taj Mahal, Fathepur Sikri, ou les vestiges de Mohenja-Daro...Pour
Navaroze,
la faute en incombe aux Hindous: " A un moment de leur histoire, l'intense
et absolue aspiration mystique des Hindous vers l'Au Delà, leur
éternelle quête de Dieu, devint si exclusive, si nihiliste,
qu'ils commencèrent à négliger la matière.
Les sages indiens se
retirèrent de plus en plus dans les grottes des Himalaya, les
ermites dans les forêts, leurs yogis perdirent tout intérêt
pour cette enveloppe physique qui nous sert de corps et ils négligèrent
notre bonne vieille terre ". Et graduellement une immense inertie, une
terrible indifférence, s'empara de l'Inde. le Bouddhisme, lui non
plus n'arrangea pas les choses, car il enseigne que tout ici n'est qu'illusion
et que la seule chose à faire c'est de s'en sortir en atteignant
le nirvana. " C'est cette négligence généralisée
de la Matière par l'Esprit, qui laissa les hordes successives d'Arabes
envahir l'Inde, soutient Sitaram Goel, un écrivain indien. C'est
ce désintéressement du mondain, qui permit aux Anglais de
subjuguer le sous-continent pour deux siècles. C'est cette apathie
envers le physique, qui tolère aujourd'hui la déforestation
massive des Himalaya, la pollution des rivières et des villes, l'invasion
de la saleté et du plastique ".
Pourtant tout espoir n'est pas perdu. Depuis quinze ans, une association
fondée par Rajiv Gandhi s'efforce de sauver le Gange; des écologistes
courageux, tels Medha Patkar, ou Arundhadi Roy, qui s'opposent à
la construction du gigantesque et néfaste barrage de la Narmada,
se battent pour ameuter l'opinion publique. Plus au sud, Auroville,
la cité internationale située près de Pondichéry,
ancien comptoir français, a prouvé que la Rédemption
de la Nature est extrêmement rapide en Inde, si on y met de la bonne
volonté.
Quand les premiers pionniers débarquèrent en 1968, Auroville
n'était qu'un plateau de latérite, cette terre rouge sur
laquelle rien ne pousse et il n'y avait pas un seul arbre, hormis quelques
palmiers. Pourtant les archives des temples parlaient d'une épaisse
forêt
peuplée d'animaux sauvages qui couvrait le plateau 250 ans auparavant.
Mais la déforestation sauvage et les violentes moussons firent leur
travail: la pluie emporta au cours des siècles la bonne terre dans
l'Océan indien, créant d'immenses canyons et la nappe phréatique
baissa de plus en plus. Les premiers Aurovilliens commencèrent donc
par empêcher l'eau de mousson de s'écouler vers la mer, en
érigeant des barrières de terre un peu partout, ce qui permit
à la nappe phréatique de recommencer à monter. Puis
ils s'empressèrent de planter un million d'arbres, les protégeant
des sempiternelles chèvres et vaches, qui sont mortelles pour
l'écologie indienne. Quand ces arbres commencèrent à
pousser, leurs feuilles tombèrent et se décomposèrent,
recréant en quelques saisons un humus fertile. Aujourd'hui, Auroville
est une vaste forêt, la vie animale revient, les canyons se remplissent
et les villageois ont tellement de bois à brûler qu'ils n'ont
plus à couper d'arbres. Cependant ces mêmes villageois cultivent
toujours l'arbre de cajou, que l'on doit pulvériser mainte fois
de pesticides mortels pour obtenir une bonne récolte. Ils continuent
à laisser l'eau de pluie
s'écouler vers la mer, à composter leurs champs avec
du terreau bon marché acheté a d'hôpitaux et
de piles usagées. " Il faut absolument EDUQUER les villageois de
l'Inde, s'écrie Navaroze, leur inculquer la valeur sacrée
de leur terre, car sans cette terre, la
merveille qu'est l'Inde ne sera plus qu'une grande âme désincarnée
".
FRANÇOIS GAUTIER (Correspondant du "Figaro")
Communiqué de
presse conjoint CNES-CNRS/INSU,
Paris, le 29 mars 1999
Premiers résultats de la campagne INDOEX ou l'étude de l'effet sur le climat des particules atmosphériques produites par l'activité humaine
L’Asie du Sud-Est et le sous-continent Indien, dont la population dépasse
deux milliards d’habitants, émettent de grandes quantités
de polluants qui peuvent être transportés au-dessus de l’Océan
Indien par les vents du Nord-Est de la mousson d’hiver.
Le but de l’expérience INDOEX (InDian Ocean EXperiment),
en cours depuis janvier 1999, est d'étudier, de janvier à
avril 1999, comment ces polluants sont transportés par l’atmosphère
et comment ils affectent les transferts de rayonnement solaire au-dessus
de l’océan. Un objectif majeur est d’estimer l'effet sur le climat
des particules atmosphériques injectées par l’activité
humaine.
Un large territoire concerné
Les scientifiques ont été surpris de constater qu’une brume de pollution brunâtre s’étend de la surface de la mer jusqu'à une altitude d'un à trois km. Les régions affectées comprennent la plus grande partie de la mer d’Arabie et du golfe du Bengale, ainsi que de l’Océan Indien équatorial jusqu’à environ 5°Sud. Ils ont également été surpris de trouver une couche de pollution aussi dense provenant de sources situées à plus d'un millier de km de la mer d’Arabie. Ceci pourrait être symptomatique de transports de pollution à grande échelle pouvant aussi se produire dans d’autres régions de la planète.
Toutefois, contrastant avec la situation au-dessus de la mer d’Arabie, la basse atmosphère au-dessus du sud de l’Océan Indien reste remarquablement propre, grâce à la présence de la zone de convergence intertropicale (ZCIT) qui, à cette période de l’année, se trouve située vers 5 à 10° au sud de l’équateur. La ZCIT est une bande étroite de tours nuageuses pénétrantes, qui se forme au-dessus des parties les plus chaudes de l’océan équatorial. Elle intercepte les masses d’air polluées, et les pluies d 'orage y lessivent la plus grande partie de la pollution. Mais les nuages de la ZCIT peuvent aussi entraîner des quantités importantes de pollution jusqu'à la haute atmosphère équatoriale, d’où elles peuvent être ensuite dispersées sur de grandes étendues.
Une origine humaine incontestable
La brume résulte de fortes concentrations de petites particules, appelées aérosols, dont les tailles sont pour la plupart inférieures à quelques microns. Elles sont composées principalement de suie, de sulfates, de nitrates, de particules organiques,de cendres et de poussières minérales. Il s’ensuit que la visibilité est souvent réduite à moins de 10 km, valeur comparable à celles qu’on trouve près des grandes sources de pollution de l’Europe et de l’Amérique du Nord.
Cette couche de brume contient également des concentrations relativement élevées de gaz comme le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre et divers composés organiques ; ce qui ne laisse aucun doute sur l’origine de la brume : il s’agit bien de pollution produite par les activités humaines.
L’étude des caractéristiques des émissions venant des économies en pleine expansion des pays riverains conduit d’ores et déjà à attendre, dans un avenir proche, des émissions de polluants de plus en plus massives sur l'Océan Indien et sur d'autres régions du globe, dues à la croissance systématique d'économies de ce type.
Moins de lumière et d’énergie pour la planète, des modifications du temps et du climat probables
En diffusant le rayonnement solaire incident, les particules de brume réduisent la quantité de lumière atteignant la surface de l’océan et, donc, l’énergie disponible pour chauffer le système Terre-Atmosphère. Dans la région polluée couverte par INDOEX, cette atténuation du rayonnement solaire absorbé par la surface de l’océan peut atteindre 10 %.
Les particules atmosphériques au-dessus de la mer d’Arabie sont particulièrement noires car elles contiennent de grandes quantités de suie et d’autres matériaux provenant de combustibles mal brûlés. La présence d'aérosols noirs accroît l'absorption du rayonnement solaire par l'atmosphère, ce qui peut affecter la dynamique atmosphérique et produire des modifications sensibles du temps et du climat.
Les nuages seraient également affectés
Les aérosols de pollution peuvent affecter à la fois la visibilité et la formation des nuages parce que la vapeur d’eau se condense sur les particules de pollution. Au-dessus de la mer d’Arabie et, peut-être, dans d'autres régions du nord de l'Océan Indien, les nuages sont immergés dans la couche de brume de telle sorte que celle-ci les rend moins visibles. Les scientifiques essaient d’estimer dans quelles proportions la couche de brume altère les propriétés des nuages comme la concentration des gouttelettes, le développement des précipitations et la brillance des nuages. En effet, les modifications de la brillance des nuages jouent un rôle important dans la régulation du climat parce qu’elles peuvent modifier la quantité de rayonnement solaire réfléchi vers l’espace.
Matières "noires" / matières "blanches" : un impact différent
INDOEX est le premier grand programme international qui étudie le transport et les effets des polluants, de leur source jusqu'à leur élimination au-dessus de l'Océan Indien. Jusqu'ici, la plupart des études du transport atmosphérique de polluants s’étaient concentrées sur des régions océaniques affectées par les émissions de l’Amérique du Nord et de l’Europe. Les particules transportées par l’atmosphère au-dessus de l’Océan Indien paraissent très différentes de celles issues de l’Amérique du Nord et de l’Europe, où les techniques avancées de contrôle de la pollution éliminent la plupart des matières noires, laissant des particules relativement "blanches" qui peuvent avoir des effets très différents sur les processus de rayonnement. Ainsi, l’impact des particules de pollution asiatique sur les processus climatiques pourrait être fondamentalement différent de celui de la pollution européenne ou américaine.
Lorsque la campagne INDOEX sera terminée et les données exploitées, la communauté scientifique et les spécialistes disposeront d’une mine de données nouvelles, uniques et incontournables pour le développement des modèles qui veulent étudier les impacts de la pollution sur le climat.
Rappelons qu’INDOEX est un programme coopératif qui implique des scientifiques des Etats-Unis, de l’Europe, de l’Inde et des Maldives. Les moyens déployés comprennent quatre avions de recherche, deux navires océanographiques, plusieurs stations de surface, des ballons dérivants et une large gamme de satellites. Le centre des opérations se situe sur l’aéroport international de Malé, où les avions sont basés. L’expérience intensive a commencé au début de février 1999 et se terminera fin mars 1999.
La participation française à INDOEX
La composante française d'INDOEX est soutenue conjointement
par l'Institut National des Sciences de l'Univers (INSU, Centre
National de la Recherche Scientifique) et par le Centre National d'Etudes
Spatiales (CNES). Les programmes concernés sont le
Programme national de chimie atmosphérique et le Programme atmosphère-océan
à moyenne échelle.
Les moyens mis en œuvre sont notamment :
• grâce au CNES, le lâcher entre janvier et mars,
à partir de Goa, de 18 ballons instrumentés, échantillonnant
les
rajectoires des masses d'air polluées à travers la mer d'Arabie
;
• une mission, entre la fin février et le 15 mars, du Mystère
20 de l'INSU/CNES, équipé du lidar LÉANDRE,
échantillonnant la structure des couches de pollution et les propriétés
des nuages dans des vols à partir de Malé ;
• une campagne de mesures du rayonnement et des aérosols à partir du sol, à Malé et à Goa.
La France assure par ailleurs, grâce au radiomètre ScaRaB
embarqué sur le satellite russe Resurs, une couverture régulière
du
bilan de rayonnement au sommet de l'atmosphère sur la région
d'INDOEX, sur toute la durée de la campagne.
Grâce à l'agence européenne EUMETSAT, la campagne
INDOEX peut aussi bénéficier d'une observation permanente
de l'ensemble de l'Océan Indien par le satellite géostationnaire
Météosat 5, transféré pour la circonstance
de 0° à 63°Est, dans
l'axe de la mer d'Arabie.
Enfin, les mesures de la station de la Réunion jouent un rôle de référence, en permettant de caractériser les masses d'air peu polluées au sud de la ZCIT.
Contacts Presse :
CNES – Sandra Laly – tél. : 01 44 76 77 32
INSU – Christiane Grappin – tél. : 01 44 96 43 37