Le riz
Comme dans toute la péninsule sud-est asiatique, le riz est à
la base de l’alimentation. Il est consommé en grandes quantités
lors des repas. On le cuit généralement à l’eau (htamin),
parfois au lait de coco (oun-htamin), ou bien il est frit (htamin gyaw).
Il en existe plusieurs qualités, mais aussi plusieurs variétés
qui fournissent des spécialités savoureuses. Le riz glutineux,
kauk hnyin, est apprécié comme en-cas, neutre ou sucré
: on le trouve cuit à la vapeur (kauk hnyin baun), dans la moelle
de bambou (kauk hnyin kyi tawk), ou aromatisé à la banane
et plié dans une feuille de bananier. La variété noire
(kauk hnyin paung) est un délice, servi saupoudré de poudre
de sésame grillé et de noix de coco râpée. Le
htomot, un gâteau de riz cuit à l’huile de coco et farci de
noix de cajou, est une gourmandise de Mandalay. Sur le plateau
shan, on prépare du riz fermenté à l’amidon, coloré
de turmeric, au goût de saké japonais (shan htamin gyin). |
Le poisson
Un poisson entier est un plat de fête, mais il reste omniprésent
sous la forme de ses dérivés : les saumures, ou ngapi. Aussi
indispensable que le nuoc mam à la cuisine vietnamienne,
c’est une saumure de poissons ou de crevettes, qui se présente sous
forme de pâte ou de liquide (nganpyaye). Le ngapi est rarement consommé
pur. Pour accompagner nouilles ou salades, on le mélange à
des pousses d’oignons hachées, du piment frais, des crevettes séchées
concassées, du piment frais et un filet de citron. Ngapi désigne
aussi le poisson salé et séché, entier ou en morceaux,
que l’on consomme rôti ou frit ; c’est un cadeau de prix très
apprécié. |
Les pois
Les cultures de la zone sèche de Haute Birmanie ont instauré
le règne des légumineuses (pè), dont il existe 22
variétés : pois chiches, pois cassés, lentilles roses,
lingots, dolics, etc., cuisinés sous toutes les formes. En farine,
ils épaississent soupes et ragoûts. Bouillis avec des épices,
parfumés de coriandre fraîche, ils forment une soupe épaisse,
le pè lun hingyo. Trempés et caillés, ils donnent
le touhu, variante birmane du doufu chinois et bien moins fade, que l’on
mange frit en petits dés, en flan relevé de jus de tamarin,
poudre de piment, coriandre et ngapi (touhu thout), en crème sur
un plat de nouilles accompagné de bouillon (touhu nwe). Le ponyegyi,
pâte de haricots fermentée, spécialité de la
région de Pagan, remplace parfois le ngapi. |
Au restaurant : ragoûts et satellites
Tout restaurant birman qui se respecte doit proposer un choix de plats
du jour : des ragoûts (hin, ou curries) de viandes, de légumes
ou de poissons, tout ça baignant sous une épaisse nappe d’huile…
qu’il n’est pas question de saucer ! Signe de richesse, l’huile est dispensée
généreusement et le jeu consiste à y pêcher
les morceaux. Pas d’inquiétude sur l’état du poisson si vous
êtes loin de la mer : la Birmanie dispose toujours d’une importante
faune d’eau douce. Autant d’occasions de découvertes : nga than,
poisson-chat adipeux (butterfish en anglais), nga byei ma, la perche grimpante,
nga hpyin thalet, le gourami ou nga tha lau, l’alose. En commandant un
ou plusieurs curies, vous verrez arriver riz à volonté,
soupe
claire et tohzaya. Le tout compris. Le tohzaya, assortiment de tomates,
oignons, mangues vertes, concombres ou de pousses de bambou plongés
dans le nganpyaye, est le seul mets consommé cru en Birmanie.
Attention, les restaurants birmans fonctionnent à la mode birmane,
au rythme du soleil. Le dernier repas se prend vers 17 ou 18 heures et
les établissements ferment de bonne heure : déjeunez birman,
mais dînez chinois ou indien, si vous souhaitez manger plus tard. |
Des goûts et des couleurs
Comme toutes les cuisines asiatiques, le repas birman combine les saveurs,
avec des tendances dominantes dans les cuisines régionales : les
curries arakanais sont très relevés, la cuisine shan
joue le parfum du sésame. Partout on aime les saveurs affirmées
de la pousse d’oignon, des perles d’ail ou du rhizome de gingembre et les
notes acidulées. Celles-ci reviennent dans les soupes claires aux
feuilles de tamarin (magyi ywet hingyo) ou au chinbaung, le chanvre de
Bombay (une plante de la famille des hibiscus, aux jolies fleurs rouges,
dont le goût rappelle l’oseille). L’acidulé est présent
aussi dans les marinades fermentées en présence d’amidon
de riz : feuilles de moutarde, kyan ma hsain, pousses de bambou, hmyi,
ou mangues vertes.
Une couleur domine les ragoûts, les soupes ou le riz sauté.
Du jaune d’or à l’orangé, elle est due au curcuma. Appelée
safran indien, ou turmeric, c’est une poudre obtenue à partir d’un
rhizome séché. |
Les échoppes de nouilles
Contrairement aux restaurants, les échoppes de nouilles sont spécialisées
dans un plat, souvent très nourrissant. À base de nouilles,
de riz ou de blé, ou de vermicelles, ces plats, en dehors des échoppes
spécialisées, ne sont préparés à la
maison qu’à l’occasion des fêtes. Le plus répandu,
qui a valeur de petit-déjeuner national, est la mohinga :
une assiette de pâtes de riz arrosée d’une subtile bouillabaisse
de poissons. Selon les régions et les occasions, on pourra goûter
aussi le myi shai, des nouilles de riz servies avec de la viande sautée
aux épices et un bouillon léger à part, les nouilles
« trempées » à la mode shan, le mondi de Mandalay
— une poignée de pâtes fraîches, épaissies à
la farine de pois et arrosées de bouillon, le mone-ti à l’arakanaise,
variante de la mohinga, ou encore le très nourrissant ounno-khauksway,
servi avec une soupe enrichie au lait de coco. Dès l’aube, les marchandes
de nouilles font bouillir leurs marmites. On se serre sur des bancs, face
à la table, tandis qu’elles orchestrent les commandes : une poignée
de nouilles dans une assiette creuse, une louche généreuse
de la préparation dont elles gardent le secret. Puis, c’est le ballet
des condiments : elles plongent la main dans des petits pots de verre —
une pincée de glutamate, un nuage de poudre de crevettes, une petite
cuillère de piment, un zeste de citron, un hachis de coriandre fraîche,
couronné d’ail ou oignon grillé ; enfin, quelques gouttes
de vinaigre, tamarin ou nganpyaye. Et le bol est poussé devant vous. |
Du thé à boire et à manger
Dans le moindre village, il y a une échoppe où l’on peut
boire à satiété, assis sur des tabourets de poupée,
le thé d’une Thermos, régulièrement réapprovisionnée
en eau chaude. Ce thé-là, la-hpet gyan ou yei-nwei gyan,
est du thé vert, cultivé sur le plateau shan ou importé
de Chine, dont le goût est plus ou moins prononcé, mais qui
désaltère à toute heure. Il est délicieux accompagné
de bonbons au sucre de palme ou, version salée, en grignotant des
feuilles de thé. La Birmanie est le seul pays d’Asie où le
thé se mange. C’est le la-hpet thout : les feuilles sont macérées
dans du jus de citron ou de pamplemousse, assaisonnées d’huile de
sésame et accompagnées d’un tas de petits trucs qui croquent
sous la dent : pois, ail, sésame et cacahouètes grillés,
crevettes séchées, petits poissons salés. On le sert
volontiers à la fin d’un bon repas pour ses vertus digestives. |
Alcools birmans
Les buveurs d’alcool, nombreux malgré les prescriptions du bouddhisme,
sont aussi de grands amateurs de la-hpet thout et autres amuse-gueules,
comme de minuscules beignets de cristophines. Ils pourront accompagner
un rhum de Mandalay (qui n’a de rhum que le nom et n’est buvable
que frappé, avec du citron vert) ou, pour qui en a les moyens, un
de ces excellents whiskies, estampés de l’étiquette «
Singapore duty free » que l’on trouve sans difficulté en ville.
À goûter l’été : le vin de palme (toddy), produit
à partir de la sève du Borassus flabellifer (nombreuses plantations
au sud de Pagan). La sève est collectée dans des pots
de terre où l’on met une petite quantité de chaux pour diminuer
la fermentation. On peut boire le liquide juste après la collecte,
il est alors rafraîchissant, doux et non alcoolisé, ou après
l’avoir laissé fermenter quelques heures, ce qui donne un vin léger. |
Cuisinez birman
Ingrédients
Disposez sur une étagère piment en poudre, curcuma, pois
frits et farine de pois, crevettes séchées, gingembre, ail,
oignons, ngapi et nganpyaye (que vous pouvez remplacer par de la pâte
de crevettes thaïe — kapi, — et du nuoc mam), huile d’arachide pour
la cuisson et huile de sésame pour l’assaisonnement : vous êtes
paré à cuisiner un menu birman. Quant aux proportions… laissez
vous guider par vos papilles.
Salade
Une délicieuse salade à base de chair de poulet rôti
ou de dorade grillée au barbecue, assaisonnée de nganpyaye,
jus de citron vert, pousses d’oignons, ail et oignons frits, farine de
pois et crevettes séchées.
Soupe
Vous pouvez agrémenter une soupe claire acidulée en faisant
rissoler ail et oignon écrasés, pâte de crevettes,
curcuma et crevettes séchées. Salez puis faites-y tomber
une botte d’oseille. Lorsque le mélange est cuit, mouillez d’eau
et laissez chauffer à petits bouillons.
Ragoût
Le secret pour démarrer un ragoût de viande ou de poisson
: faites chauffer dans l’huile un mélange d’ail, oignons et gingembre
écrasés, saupoudrez de turmeric pour colorer, ajoutez piment
et sel selon votre goût. Lorsque tout est doré et qu’une bonne
odeur chatouille vos narines, jetez la viande en morceaux et faites sauter
à feu vif jusqu’à coloration. Mouillez d’eau ou de bouillon
et laissez mijoter.
Cuisine de fête : la mohinga
Faites pocher 20 minutes 1 kg de poisson à chair blanche, mais pas
trop ferme, dans un court bouillon d’eau, parfumée de 2 cuillères
à soupe de nuoc mam, 2 ou 3 lamelles de gingembre frais et 2 branches
de citronnelle pliées et cassées. Laissez refroidir. Retirez
les arêtes et écrasez-les dans un torchon : vous obtiendrez
un jus que vous ajouterez au court bouillon. Faites chauffer, dans une
tasse à café d’huile d’arachide, une poignée d’ail
écrasé avec 2 cm de gingembre. Saisissez rapidement la chair
de poisson dans ce mélange puis retirez-la et réservez. Assaisonnez
de sel, de turmeric et de poudre de piment selon votre goût, ajoutez
1 livre de pois chiches bouillis et écrasés. Mouillez avec
le court-bouillon, allongé d’eau si nécessaire. Jetez dans
la soupe une douzaine d’oignons grelots simplement épluchés
et la chair de poisson effeuillée. Laissez mijoter 1 h à
1 h 30. Pour servir, disposez des nouilles de riz dans des assiettes creuses.
Arrosez d’une louche de soupe de poisson. Ajoutez un filet de citron vert,
du piment en poudre, des cacahouètes pilées et de la coriandre
fraîche.
Cuisine de fête : ounno-khauksway
(nouilles au lait de coco)
Faites bouillir un demi-poulet coupé en 4 avec sel, poivre, gingembre,
citronnelle et 3 cuillères à soupe de nuoc mam. Réservez
le bouillon et désossez le poulet. Faites chauffer une tasse à
café d’huile d’arachide avec deux oignons en lamelles, 1 poignée
d’ail écrasée, du turmeric et de la poudre de piment. Ajoutez
les morceaux de poulet. Délayez du lait de coco (préparé
avec deux noix râpée et pressée et 1 cuillère
à café de sucre) dans un peu de bouillon. Mouillez la viande
avec son bouillon, puis le lait de coco. Pour adoucir la préparation,
vous pouvez ajouter 2 cuillères à soupe de lait concentré.
Servez la soupe sur des nouilles de blé placées dans des
assiettes creuses. Disposez des quartiers d’œufs et saupoudrez de coriandre
hachée. |