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Artisanat
 
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Artisanat birman
par Catherine Bourzat,
consultant dans le  domaine asiatique, auteur de nombreux articles sur l'Asie, diplômée de l'Ecole du Louvre, titulaire d'une maîtrise d'archéologie et d'une maîtrise de chinois, Catherine Bourzat sillonne depuis 10 ans les routes d'Asie. Passionnée par la Chine et séduite par l'Inde, l'auteur a trouvé en Birmanie le pays où fusionnaient ces deux cultures millénaires et souvent antagonistes. Les premiers voyages furent entrepris par goût de l'étude. Une cheville foulée à Pagan, un orteil cassé sur un bateau de ligne de l'Irrawaddy, une fièvre maligne et nocturne contractée à Rangoon n'ont rien changé au cours des choses : la Birmanie est devenue passion et ce guide est le fruit des rencontres au fil de cette histoire d'amour.
 
Il n’y a plus de rois mécènes en Birmanie, mais le savoir-faire des artisans se déploie encore en l’honneur de Bouddha et de ses lieux, pagodes et monastères, auxquels on offre argent ciselé, bois laqués, teck sculpté ou marbre poli. À côté de cet artisanat précieux et somptuaire, il existe pour qui ouvre l’œil sur les marchés et dans les bazars de pagodes quantité d’objets du quotidien à la beauté toute simple : vanneries laquées, boîtes en bambou tressé, petits paniers servant d’emballage à du sucre de palme ou du thé, pots à eau de terre brute ou jarres émaillées… 
Antiquités 
Depuis 30 ans les prédateurs écoulent les plus beaux objets d’art de Birmanie sur le marché thaïlandais. Un phénomène qui a touché jusqu’aux musées, souvent très pauvres. Et ceci, malgré des réglementations toujours en vigueur, affichées au temple Ananda de Pagan : « il est interdit d’exporter les antiquités suivantes : les images de Bouddha, les tapisseries, les marionnettes et les poids en bronze en forme de lion ou d’oiseau hintha ». D’ailleurs, à part les images de Bouddha dont on contrôle l’ancienneté lors du passage des bagages aux rayons dans les aéroports, le reste ne fait pas l’objet de surveillance particulière. Il ne reste donc pas grand-chose et les antiquités proposées font souvent plus vieilles qu’elles ne sont anciennes. Le principal domaine d’exploration demeure celui des petits bronzes (statuettes, poulies de métier à tisser en forme de kinnari), des laques (hsun-ok, présentoirs à offrandes, boîtes) des poids dits à opium (des séries de poids, en forme d’animaux, de taille décroissante) et de la brocante coloniale (mobilier, horloges, gravures et aquarelles) 
Où acheter ? À Mandalay, Maymyo et quelques boutiques spécialisées de Rangoon
Argent 
Moins prisé que l’or, il est peu utilisé dans la bijouterie, souvent travaillée en filigrane. Au repoussé, il sert à confectionner des coupes, ornées de symboles et scènes bouddhiques, destinées au culte. 
Où acheter ? À Sagaing, dans les environs de Mandalay. 
Bronze 
Le bronze, coulé à la cire perdue, sert toujours à réaliser des statues de Bouddha et des copies de poids et de figurines anciennes. Certains instruments de musique sont également en bronze : gongs triangulaires et clochettes auxquelles sont suspendues des feuilles de laiton découpé. Sur les foires organisées lors des fêtes de pagode, des artisans viennent vendre de très beaux couverts de bronze martelé. 
Où acheter ? À Pagan, Mandalay et dans les grands bazars de pagodes
Céramique 
Un matériau lourd et fragile, mais un domaine où les artisans birmans excellent. Les poteries, parfois ornées d’un décor moulé, sont revêtues de glaçures : des émaux, colorés à l’aide d’oxydes métalliques, qui forment de jolies coulures ambre, émeraude ou brunes. On en fait d’immenses jarres, mais aussi des vases, plats, bols etc. 
Où acheter ? La plupart des grands marchés couverts ont une ou plusieurs boutiques de céramiques. 
Pierres précieuses 
Rubis et saphirs de Mogok, au nord de Mandalay, émeraudes de l’état Kayah et jade de l’état Kachin, la Birmanie est un grand pays de pierres. Elles sont une des principales ressources de l’état et son monopole, donc l’objet d’un contrôle à la sortie du territoire : vous devez présenter la preuve de leur achat dans un magasin d’état pour les exporter. Les pierres y sont rarement vendues brutes et pas très joliment montées. Même si les magasins d’état vous procurent la tranquillité d’exporter des rubis, c’est un domaine où il faut être connaisseur : une pierre mal taillée perd de son éclat et une partie de sa valeur. 
Où acheter ? À Rangoon
Textiles 
La Birmanie fut un grand centre du tissage de la soie. Elle ne l’est plus : les soies que vous trouverez aujourd’hui proviennent essentiellement de Thaïlande. En revanche, elle exprime toujours ses talents dans le tissage du coton drapé pour l’indispensable longyi, coupé pour les vestes Shan et les sacs d’épaule. Certains sont rebrodés de fils de soie à la navette volante. La tradition du shwegyido en vogue à la cour du Mandalay connaît un grand succès touristique : cette technique d’appliqués, rebrodés de fils d’or et de paillettes et destinés autrefois à la réalisation de tentures, les kalaga, est utilisée aujourd’hui pour la fabrication de courtepointes, enveloppes de coussins, de sacs à dos et même de casquettes. 
Où acheter ? À Mandalay, à Amarapura (environs de Mandalay), au lac Inle
Bois sculptés et bois durs 
Roi des bois durs, le teck n’est utilisé en Birmanie que pour des objets de petites dimensions, car une grande partie part à l’exportation, importante source de devises : tableaux en relief, cadres sculptés jusqu’au manche incassable des décapsuleurs faits d’une vis et d’un boulon. Les bois durs et bois précieux (bois de rose, ébène, santal) sont tournés pour faire de la vaisselle décorative ou sculptés (images de Bouddha, divinités, animaux). Le bois sculpté sert toujours à confectionner la tête et les membres de marionnettes à fils, revêtues de somptueux costumes, brodés de fils et de paillettes. 
Où acheter ? À Mandalay, Amarapura, Pégu et dans les grands bazars de pagodes
Laques 
Inutile de chercher des laques anciens, ceux d’aujourd’hui sont toujours aussi beaux, résultats du même patient travail. Mais méfiez-vous des mauvaises copies : les laques de Pagan, les plus travaillés de Birmanie, ornés de motifs gravés et remplis de poudres de couleurs, font l’objet de copies peintes, vendues quasiment au même prix que les originaux, c’est-à-dire très bon marché. La laque est une résine ambrée à l’état naturel que l’on colore pour obtenir des fonds noir brillant ou corail. On trouve encore en Birmanie des laques sans décor (panier, coupes, boîtes à compartiments) qui témoignent de la fonction première de cette résine : imperméabiliser et conserver des objets de vannerie. 
Où acheter ? À Pagan, à Kyaukka (environs de Mandalay). 
Ombrelles, chapeaux et éventails 
À Bassein, on fabrique de délicates ombrelles peintes de soie ou de coton ; à Pindaya, elles sont en papier de mûrier huilé. Les éventails sont, à la mode japonaise, non repliables et présentent, à travers le pays, toute une variété de formes, en bambou ou autre matière végétale tressée. Les amateurs de chapeaux trouveront un grand choix de formes, toujours confectionnées avec des matériaux naturels : en forme de casque colonial, de chapeau de paille de nos campagnes ou coniques. 
Vanneries 
Les vanneries jouent toujours un grand rôle dans le quotidien des campagnes. Elles sont présentes sur les marchés (grands récipients de palmes tressées pour accueillir fruits et légumes), dans l’architecture (de nombreuses maisons, sur la route de Rangoon à Mandalay, ou de Thazi à Kalaw, ont leurs cloisons en bambou tressé), dans l’agriculture (séchage de certains produits sur de grandes claies circulaires). En furetant sur les marchés, d’un bout à l’autre du pays, vous découvrirez une grande variété de formes des paniers : paniers ronds à fond plat dans le delta de l’Irrawaddy, grands cabas dans la zone sèche, hottes sur le plateau Shan. Les balles de chinlon, version asiatique du football, sont en rotin tressé. 
 
LE PAPIER MÂCHÉ, TRÉSOR DES BAZARS DE PAGODES 
Fuyez les magasins pour touristes en Birmanie ! Envahis par la pierre précieuse et le jade, ils ne laissent de l’artisanat birman qu’une image convenue et falote. Pour dénicher les merveilles, créatives et modestes, drôles et touchantes, produites par les artisans, c’est dans les bazars de pagode, dans les marchés improvisés lors du pwè d’un lieu saint, qu’il faut flâner. 
Il y a là, bien sûr, des profusions d’offrandes, bouquets de reines-marguerites ou d’ombrelles en papier plissé, ornées de clinquants, des images de Bouddha, taillées dans le marbre ou le bois de santal. Puis encore, colliers et tanaka, des parures pour les femmes. Il y a enfin toutes sortes de jouets pour les enfants. Les Barbie birmanes sont faites avec des chutes de tissu, les fusils mitrailleurs de Rambo sont en bambou, les dînettes sont en bois, en terre ou en boîtes de conserve détournées. Et puis, il y a les animaux, les poupées-filles et les poupées-garçons, tout ce petit monde qui tient compagnie et sert à se conter des histoires. Ce monde-là, haut en couleurs, est en papier mâché. 
D’un bazar à l’autre, le zoo de papier mâché change : là les éléphants sont bleus, ailleurs ils sont mouchetés, les chevaux ont des oreilles de lapin, des fleurs ou des allures de zèbre. De très convaincantes girafes voisinent avec de belles vaches rouges. C’est que ces animaux de papier viennent d’ateliers différents. Eh oui, en Birmanie, il y a des ateliers qui ne fabriquent que des jouets de papier mâché pour les enfants. À une exception cependant : les familles de « papiermâchistes » confectionnent aussi ce drôle de cheval marionnette, à la crinière en épi, destiné aux autels du Seigneur du Cheval Blanc, le plus puissant des nats birmans. On se transmet de génération en génération les formes en bois qui servent à façonner les sujets. La presse officielle fournit la matière première que la couleur signe de la fantaisie, de l’originalité d’un atelier. 
La propagande touristique voudrait faire des poupées de papier mâché, de dodues Nana à la Nickie de Saint-Phalle, des souvenirs décoratifs. Mais ces poupées ont une histoire. Des drôles de têtes culbuto, évoquant le bébé dans ses langes, au petit bonhomme enhardi, qui étend bras et jambes, ce sont tous les âges de l’enfance que racontent les poupées de papier mâché. 
Seulement voilà, un jour les enfants birmans trouveront naturellement que ces jouets-là sont bien modestes. Qu’adviendra-t-il alors du zoo et des poupées ? Ils disparaîtront, faute de clientèle et il n’y aura plus d’ateliers de « papiermâchistes ». Sauf, peut-être, si des touristes avisés et curieux, se prenaient d’intérêt pour cet univers. En achetant un cheval à fleurs ou un éléphant bleu, ils sauveraient un art populaire d’une mort certaine.
 
 
Mise à jour :  avril 1998         Retour à la page d'accueil