NOOTEBOOM, Cees Du printemps, la rosée
Actes Sud, Paris, 1995 traduit du néerlandais par Anne-Marie de Both-Diez Note de lecture : Rémi Perelman |
Attentif, rêveur ou méditatif, habile à déchiffrer le trivial comme le sacré, l’ordinaire comme l’énigmatique, recherchant par-delà l’actualité l’immanence des pays qu’il visite, Cees Nooteboom a rassemblé dans ce livre de Terres d’aventure des souvenirs et des reflets de quelques séjours en Iran, en Birmanie, au Japon, en Malaisie, à Bornéo… On appréciera chez l’auteur sa façon de révéler la culture d’un pays que livre la vie quotidienne à travers les mille gestes des gens les plus simples que ses voyages l’ont amené à côtoyer. Son écriture raffinée l’autorise à esquisser la subtilité de ces situations, celles où se trouvent inévitablement tous les voyageurs, tourisme ou affaires, avec un humour qui n’efface pas pour autant l’envoûtement des atmosphères dans lesquelles il plonge le lecteur. Quelques extraits permettront de situer le propos. Perse (mai, juin 1975) …“Vous abordez la Perse avec l’arrogance aveugle des Occidentaux et vous remarquez que vous êtes en présence d’une histoire plusieurs fois millénaire sans posséder la moindre référence. La dernière chose que vous ayez jamais apprise est le nom de Xerxès, mais les milliers d’années qui suivirent ? C’est comme si vous vous rendiez en France sans rien savoir de la Révolution, sans aucune notion de qui est Napoléon…“
Citant l’écrivain américain Lafcadio Hearn, au début du siècle “…Toute réelle compréhension des circonstances sociales (japonaises) exige plus qu’une connaissance superficielle des circonstances religieuses. Même l’histoire industrielle…“. Il pleut dans la forêt de Nara. J’ai tourné le dos à un complexe de temples pour n’aller nulle part, être seul, la pluie tambourine sur mon parapluie et c’est très agréable. Pour la première fois que je suis au Japon, je me promène dans une vraie forêt. Des cerfs s’abritent de la pluie sous les hauts cèdres immobiles. Soudain, à un détour du sentier, apparaît une petite pagode. Les grilles sont peintes en rouge vif. Il y a là quelques petits lions sculptés, deux ou trois lanternes de pierre, la pluie s’écoule le long du toit en pente douce et tombe goutte à goutte dans un puits en produisant des notes aiguës. C’est tout. Je n’ai pas besoin de sortir mon guide, je n’ai besoin de rien, je vais m’asseoir sous un auvent, j’écoute la pluie et je me sens heureux…“
Ce soir là, je mangeai de l’anguille dans un restaurant chinois, situé je m’en souviens, dans la 37è rue ; l’anguille provenant de l’Irrawaddy était accompagnée d’une bière produite par la Brasserie populaire et d’un mets si épicé que mes yeux pouvaient voir mon cerveau. |