JAPON
Une stratégie pour le XXIè siècle

Marie-Sybille de Vienne et Jacques Népote

Cahiers de Péninsule/CHÉAM, Paris, 1999
Ouvrage publié avec le concours principal de la Fondation Franco-Japonaise Sasakawa

pour commander : Péninsule , 30, rue Boissière 75116 Paris France, 
fax : 33 01 4727 4098; E-mail : <mdevienne@aol.com

POSITION DE THÈSE

I. Derrière son apparence de petit archipel isolé et féodal, le Japon est la clef d’une plus vaste barrière maritime qui contrôle l’accès aux côtes asiatiques. Le Japon qui, au fil de son histoire, a de mieux en mieux réalisé son contrat géopolitique, est ainsi aujourd’hui riche, puissant et dynamique au point d’apparaître comme l’une des puissances susceptibles d’accéder au premier rang mondial.
Ses compétiteurs ne sont, malgré son immensité, ni le monde chinois (même au sens le plus large), qui reste une puissance en retrait, ni l’Europe qui, malgré une puissance économique supérieure, demeure relativement moins riche et surtout sans réelle cohésion. La compétition est donc d’abord avec les États-Unis.
L’étude comparée de la puissance des deux pays induit l’idée d’un rattrapage des États-Unis par le Japon à un horizon prédictible (entre une et deux décennies), d’autant que le croisement des informations relatives au PNB et au PNB per capita précise que l’évolution s’effectue en sens inverse.

II. La stratégie développée par le Japon depuis la défaite de 1945 est la suivante :
1) De 1945 à 1965, les Japonais ont d’abord reconstruit leur personnalité socio-politique et leur appareil économique en s’ancrant sur la dynamique américaine. Du fait de la guerre froide, puis de la guerre de Corée, les États-Unis d’Amérique se sont paradoxalement retrouvés dans la nécessité de prendre en charge le Japon qu’ils venaient de mettre à genoux. Profitant de l’impulsion initiale de la de "mande américaine, le Japonais ont réintégré la communauté internationale, puis ont accédé (1964) au club très fermé des grandes nations industrialisées.
2) Sur les décennies 1965-1985, le Japon a pu alors reconstituer sa base régionale. A la faveur de la guerre du Viêt-Nam, il récupère les îles Bonin et Ryu Kyu, et devient le premier partenaire commercial des pays d’Asie orientale. Le premier choc pétrolier le conduit ensuite à renforcer la performance de ses entreprises ; il s’impose alors comme premier donneur d’aide aux pays d’Asie orientale et développe ses liens avec la République populaire de Chine. Les banques japonaises utilisent enfin l’accélération de la vitesse de circulation des flux de court terme pour faire du Japon le premier opérateur financier de la planète.
3) La réévaluation du yen double en deux ans (1985-1987) la capacité d’intervention du Japon et, bien qu’au seuil des années 90 éclate une “bulle spéculative“, le Japon ne cesse d’étendre son aide au développement et devient partie prenante de la sécurité mondiale en participant aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. la baisse du yen en 1996 est l’occasion pour le Japon de restructurer l’appareil socio-productif, de moderniser le système bancaire et les keiretsu. Ce rajustement structurel, qui signifie la fin du demi-siècle d’après-guerre, autorise le Japon à affirmer ses objectifs.
Alors même que la crise financière des pays d’Asie orientale démontre sa puissance, car il fournit près de 40% de l’aide financière d’urgence accordée aux pays en crise, il cogère maintenant avec les Américains un nombre croissant de dossiers, au plan régional (sécurité) et au plan mondial (environnement, contre-terrorisme…). Il est donc à même de promouvoir la réforme des institutions en charge de l’ordre planétaire, le FMI et l’ONU.

III. Le déploiement actuel de la montée en puissance du Japon repose sur trois opérations :
1) Un positionnement en amont des logiques capitalistes : en tablant sur leur capacité d’épargne élevée, les Japonais se sont construit des armes économiques, de moins en moins visibles au fur et à mesure qu’elles devenaient plus performantes. A partir de leurs excédents commerciaux (biens et services), partiellement recyclés dans les investissements directs à l’étranger, et en soutenant l’appréciation continue de leur monnaie, ils ont accumulé des surplus financiers qui ont fait du Japon le premier pays créditeur, avec plus de la moitié des actifs nets à l’étranger, de la planète.
2) Fort de cette base, les Japonais développent, par ondes concentriques, un dispositif géopolitique dont ils occupent le centre : ils s’appuient sur leur espace de nipponité directe (celui des années 1880) et la reconstruction de leur défense, étendue à un cadre régional où ils devraient prendre, à moyen terme, le pas sur les Américains. Au travers d’une politique d’aide au développement qui fait d’eux les premiers donneurs d’aide du monde, ils tissent un réseau mondial de points d’appui qui accompagne un projet d’internationalisation du yen.
3) Enfin, ils rebondissent sur la “crise“ des années 90 pour redynamiser la société japonaise. Sous couvert de remettre en place la machine socio-productive, en soutenant la reconfiguration des keiretsu, l’assainissement des banques et en jouant une ouverture tout azimuts en direction de l’étranger, les Japonais redéfinissent des cibles stratégiques choisies pour les vingt années à venir, en même temps que les orientations de la recherche et développement. Le tout accompagné d’une refondation des valeurs culturelles japonaises servant d’assise à la modernisation “technique“ et au développement de la créativité.
 
 

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La Fondation Franco-Japonaise Sasakawa

La Fondation Franco-Japonaise Sasakawa est une fondation reconnue d'utilité publique par décret du Premier Ministre du 23 mars 1990. C'est un organisme privé, sans but lucratif et de statut français, qui a pour mission de "développer les relations culturelles et d'amitié entre la France et le Japon". 

Ses ressources proviennent des revenus d'une dotation initiale de trois milliards de yens (soit environ 132 millions de francs à l'époque) versée à la France par la Fondation Nippon (ancienne Fondation de l'Industrie Japonaise de la Construction Navale). Des institutions analogues avaient déjà été créées aux Etats-Unis (siège à New-York), en Scandinavie (siège à Oslo) et en Grande-Bretagne (siège à Londres).

La Fondation est administrée par un Conseil d'Administration de 15 membres, dont 7 Japonais et 8 Français, qui se réunit deux fois par an. Le Ministre français de la Culture est présent ou représenté au sein de ce Conseil.

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