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La réforme de l'État, constitue un leitmotiv au Japon
; le symbole d'histoires sans fin. À l'orée des années
80, la Commission Doko, ancien patron du Keidanren, a produit un imposant
rapport sur la question. Le projet s'enlisera faute de volonté de
la part du monde politique nippon. Une grande partie de l'opinion publique
demeure sceptique sur les chances des "réformes Heisei" d'aboutir
un jour. Pourtant aujourd'hui, ces réformes ne peuvent plus être
différées sans compromettre gravement l'avenir du pays. Le
Japon se trouve confronté à l'impératif d'une révision
de son système économique, qui comme presque partout
en Asie repose sur d'étroites relations État-entreprises,
dénoncées aujourd'hui comme la cause principale de tous les
excès financiers de la période précédente.
Le nouveau projet de réforme, publié en 1997, propose une refonte globale de l'État particulièrement ambitieuse. Il y a deux aspects dans cette réforme, qui correspondent aux deux faces d'un même problème. D'abord le fait que depuis l'après-guerre, l'administration japonaise ait conquis une place centrale dans l'État, dont elle constitue le rouage incontournable dans le processus de décision politique du pays. Ce phénomène bureaucratique nippon est au cúur de la réforme qui vise à réduire son poids dans la société. Par ailleurs, l'État doit rétablir les grands équilibres financiers et mettre fin à un endettement considérable. Le plan de réformes proposé par le gouvernement Hashimoto s'articule sur six domaines :
- le redressement des finances publiques - la déréglementation du système économique - L'assainissement du système financier et le "Big Bang" - la refonte du système de sécurité sociale - la réforme de l'éducation Un grand commis de l'État, Kanezo Muraoka, Secrétaire Général du Bureau du premier ministre, n'a pas hésité à déclarer:«Nous nous sommes attelés au plus grand défi réformateur de la nation depuis la restauration de Meiji (1868)». A cette fin, le plan propose de réduire le nombre de ministères et de secrétariats d'Etat de 21 à 12 avec un Bureau du gouvernement renforcé par rapport à l'actuel Bureau du Premier Ministre. Grâce à cette réorganisation, la fonction de coordination des services du premier ministre est réaffirmée, ce qui constitue l'amélioration majeure de cette opération de chirurgie administrative, avec l'élévation de l'Agence pour l'environnement au statut de ministère, promotion refusée après d'âpres débats à l'Agence de défense. En outre, les regroupements concrétisent la volonté de réduire le nombre de départements ministériels. Pourtant, la partition du Ministère des finances était au centre des débats et constituait le test prouvant la volonté du gouvernement de changer radicalement le visage de l'administration. En parallèle avec ces regroupements, le système d'agences en vigueur en Angleterre constitue une option sérieuse pour les autorités. Les ministères et secrétariat d'État garderaient l'élaboration des projets, les agences externes employant les méthodes du privé se verraient confier leur mise en place. La réorganisation des différentes administrations, la fusion des agences et la diminution du nombre de ministères va entraîner une baisse de l'embauche de fonctionnaires de catégorie A de 30% par an, qui passera ainsi de 800 à 500. A la parution du plan, de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer le programme du gouvernement de Hashimoto, y compris au sein de son gouvernement. En effet si l'objectif premier de la réforme est de transférer de la bureaucratie le rôle clef de la gestion de l'économie japonaise au secteur privé, le plan proposé renforce l'administration en concentrant cette dernière dans des "super-ministères". On s'interroge sur un plan qui repose sur le concept de la concentration comme voie pour la réforme administrative. En outre, il est fort probable que le nouveau Bureau du gouvernement sera l'enjeu de toutes les rivalités bureaucratiques. Enfin, on peut s'attendre à de fortes résistances de la part de l'administration et à ses efforts pour torpiller le plan avec l'aide de ses alliés de la Diète, les Zoku Giin, les parlementaires anciens haut-fonctionnaires qui constituent des lobbies influents au Parlement. Malgré un bon diagnostic de la situation japonaise, le gouvernement peine sur l'ordonnance. Les réformes se limitent encore trop à des changements de structures administratives alors que les fonctions administratives ne sont pas suffisamment repensées. Pour conclure, après le "miracle économique" des années soixante, le Japon semble attendre un "miracle politique" au XXIème siècle! |